RUGISSEMENT BRITANNIQUE

Un maintien discret & un air d'innocence semblent convenir à Lord Richard Lyons, ambassadeur du Royaume Uni à Paris, qui se sait à l'abri des antipathies & de la complexité des affaires diplomatiques. Mais, en observant attentivement ses traits, on remarque combien il doit tenir les rênes de l'impatience, lorsque la presse diffuse un rapport de Scotland Yard qui accuse la France de soutenir quelques indépendantistes en Ecosse. D'ailleurs, il laisse couler sur son visage de marbre les louanges de circonstance & suspecte immédiatement le travail de l'ombre de certains, pendant que son administration cogite. Et cela, à propos de problèmes de plus en plus complexes dans la diplomatie actuelle, à la périphérie de laquelle virevoltent des nations qui pourraient devenir rivales. Car de nombreuses campagnes militaires ont rencontré de brillantes résolutions. A commencer par la victoire décisive du lion britannique en Egypte.

- Capitulation du Khédive -

Depuis des mois, c'est particulièrement du côté de l'Egypte que se porte l'attention de la presse & du public. Le doute n'est plus possible. Les dépêches de toute origine sont concordantes. La victoire des Britanniques au Caire est non seulement confirmée, mais elle parait avoir pris le caractère d'un désastre pour l'armée égyptienne, qui s'est effondrée d'un coup. Après une bataille terriblement coûteuse en hommes, les Britanniques ont tourné l'aile gauche des Egyptiens le long du Nil & ont continué de percer vers le coeur de la ville dans un acharnement épouvantable. D'après un article du Morning Post, la bataille pour la prise de la citadelle du Caire est la plus grande victoire remportée jusqu'à présent par le second fils de la reine Victoria, le Prince Alfred, amiral du Mediterranean Squadron & commandant en chef de cette dernière offensive. Les plus pessimistes noteront que les pertes ont été considérables & la victoire assurément amère. Mais en conclusion, après tant de batailles terribles qui ont été glorieuses pour les armes britanniques, le lion de Sa Majesté peut rugir derechef. Aussitôt, la totalité du pays, la capitale, la manufacture des Cotonnades du Nil, Alexandrie, le contrôle du Canal de Suez & l'occupation de la Haute Egypte deviennent l'affaire exclusive des Britanniques, les Français s'étant retirés sans plus aucune illusion. Notons qu'une colonne italienne s'est invitée lors de l'invasion de l'Egypte, sans toutefois atteindre la vallée du Nil.

Lord Frederick Blackwood, Comte de Dufferin & commandant de la première armée britannique a prononcé un discours au banquet qui a eu lieu hier, dans le palais du Caire, en présence du Prince Alfred. Dans ce discours, il a déclaré que l'épidémie qui sévit actuellement en Egypte est aussi importante à résoudre que l'établissement des zones d'influences. Des mesures sanitaires sont immédiatement mises en application. Des centaines de blessés & de malades ont été embarqués depuis une semaine pour être envoyés à Famagouste, sur l'île de Chypre & à Suez, devenus les havres de paix des Scottish Black Watch. Quant au Khédive, capturé dans son palais du Caire, il demeure le prisonnier du Prince Alfred. 

- Promenade d'Europe - 

Le long des boulevards du célèbre Ring, les Viennois se promènent traditionnellement le dimanche & se saluent devant le musée des Beaux Arts, où les pelouses sont admirablement tenues. On se croirait dans le jardin d'un château en Angleterre. Le tram signale son arrivée à l'arrêt de l'hôtel de ville, où la foule se presse aujourd'hui pour acclamer le Prince Rodolphe, l'héritier du trône. Le fils de l'Empereur est, en effet, venu prononcer une allocution sur les bienfaits des chantiers d'embellissement d'une des plus monumentales villes du monde & sur la nécessité pour la Double Monarchie d'avoir une politique de colonisation en Afrique. Voilà pourquoi le Kaiser François-Joseph a donné à l'Archiduc Frederik von Teschen une nouvelle mission. Les Hussards du Baron Filipovic ont traversé le Danube, en route pour la Croatie, afin de rejoindre leur commandement qui embarque pour l'Erythrée, prêter main forte à l'armée de l'Archiduc que l'on suppose en pleine démonstration en Afrique. La population acclame ses soldats & est convaincue d'une victoire prochaine.

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Réagissant immédiatement aux affres des épidémies, l'industrie britannique s'est mise au service du gouvernement de Sir William Gladstone, qui a particulièrement été ému par les récits des derniers journaux narrant la campagne d'Egypte. En conséquence, John Brunner a été sollicité pour développer son usine de produits pharmaceutiques, afin d'appuyer la médicalisation des armées. Le gouvernement a accentué sa volonté de vaincre les fièvres en agrandissant l'Université de Londres avec la London School of Hygiene & Tropical Medicine, consacrée à la recherche & à la centralisation des rapports de ses nombreuses antennes disséminées dans tout l'empire colonial. Les caisses de quinine sont systématiquement ajoutées à toutes les cargaisons de munitions à destination des troupes combattantes au loin.  

- Le pillage de Tachkent -

Les esprits les plus affutés ont remarqué que les journaux russes, de même que les quotidiens ottomans ou britanniques, interprètent dans un sens pacifique les prétentions du Tsar. Cependant, à les regarder de près, les relations sont loin d'être idylliques & la campagne russe dans les steppes d'Asie semble déranger les plans de quelques uns, bien plus que l'on ne pourrait imaginer. D'ailleurs, il n'est pas téméraire de croire que la résistance des Ouzbeks au Turkestan fasse réfléchir les Russes, quant à la poursuite des opérations en Asie Centrale. Cet automne, le général Tcherniaïev a déployé tous ses bataillons autour de Tachkent, face aux cavaliers adverses & à la garnison de la ville. Entre eux, coule la rivière Tchirtchik, un affluent du Syr-Daria, qu'il est impossible de traverser sans un appui d'artillerie efficace. Les armées restent là, trois jours durant. Le génie russe se met alors au travail pour construire un pont au Sud de Tachkent. Au bout des trois jours, la cavalerie cosaque entre dans le cours d'eau, pendant que l'infanterie passe sur le pont, au pas de charge. La ville de Tachkent, ville verdoyante & bien aérée, est connue pour ses magnifiques bazars aux étalages exotiques, à l'ombre des mosquées. Elle devient le nouveau joyau du Tsar, à quatre mille kilomètres de Saint-Petersbourg.

- La passe de Shanhai -

On continue à n'être pas exactement renseigné sur ce qui se passe dans le Jehol, à la frontière de la Mandchourie. Mais il semble évident que l'offensive des Chinois a été défavorable aux Mandchous. Une dépêche de Pékin en date de jeudi confirme qu'un violent combat a eu lieu au niveau de la passe de Shanhai Guan, qui est l'un des principaux passages de la grande muraille de Chine, à l'extrémité de celle-ci, lorsqu'elle rejoint la mer. Après avoir subi de grandes pertes, les forces mandchoues abandonnent la position sous une pluie de balles & de boulets & se replient vers Moukden. Huit jours plus tard, une série de mouvements & d'escarmouches poussent les généraux à demander un cessez-le-feu, confirmé par l'encerclement de la capitale & l'occupation éclair de Fushun par les troupes chinoises. La capitulation est actée. La Mandchourie devient une province de l'Empire du Milieu. 

- Propagande impérialiste -

Arrivée dans la baie enchanteresse de Maputo, l'escadre italienne déverse les Grenadiers de la Garde à la recherche d'une proie facile. L'élite des soldats italiens n'hésite pas à forcer les défenses de l'ancienne Lourenço Marques & poursuit sa manoeuvre. Dans la chaleur écrasante - l'officier de quart note une température de 40° Celsius, avec très peu de vent - les combats durent sans relâche & la victoire se prononce définitivement le mardi soir. Toutefois, le journal Corriere della Sera de Milan signale que, si les palmiers de Maputo sont italiens, le Mozambique n'est pas contrôlé. Ce qui veut dire que le charbonnage de Moatize n'est pas la propriété de l'Italie.

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A moins de deux jours de navigation de là, les Royal Guards & les Royal Marines du général McNeil prennent pied à Durban, au Natal. La province est aussitôt rattachée à la colonie du Cap. Le gouvernement britannique, refusant de faire appel aux Africains, encourage l'arrivée de travailleurs indiens, venant de Calcutta & de Madras. Tout semble aller pour le mieux, lorsque des sentinelles indiquent qu'un grand nombre de guerriers zoulous se masse dans le Nord du pays & représente une menace non négligeable.

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On a pu croire un instant, que la cessation a peu près complète des hostilités dans le Golfe de Guinée pouvait être considérée comme un présage d'apaisement ou d'arrangement. Nous recevons aujourd'hui une série de contre-indications, dont quelques unes ne sont pas sans interrogation. Dans le Deutsche Allgemeine Zeitung de Berlin, on insiste sur le fait que le bruit se répand qu'une intervention au Dahomey se prépare. Mais les tentatives faites hier par le gouvernement du Kaiser Guillaume ont été vaines & n'ont pas eu de résultat durable.

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L'Archiduc Frederik von Teschen arrive au large des côtes de l'Erythrée & débarque ses hommes & son artillerie lourde au large de la ville de Massaoua. Comme pour les Espagnols, les mises en garde répétées des médecins, qui connaissent les dangers sanitaires des régions tropicales, n'ont servi à rien. Autant pisser dans un violon ! Pour les hauts gradés de l'armée, point ne faut écouter les civils. Pour vaincre, il faut plus d'hommes, plus de fusils, plus de canons. En conséquence, on bourre les effectifs dans une armée gigantesque pour s'imposer dans un territoire sous-alimenté en eau & infesté d'insectes ailés. En Erythrée, le désastre est vite constaté, lorsque les officiers font le compte des pertes, effrayantes. Les Autrichiens entrent finalement dans Massaoua avec une section d'éclaireurs, le gros de la troupe restant en retrait pour soigner les soldats fiévreux. L'Autriche-Hongrie tient son petit bout de colonie en Afrique.

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Un rapport du ministère des Affaires Etrangères néerlandais sème le doute à propos de l'opération entamée en Birmanie. L'opinion internationale demandant un éclaircissement de la part d'Amsterdam, la position officielle des Hollandais, après le débarquement d'une de leurs troupes, est de venir soutenir le Roi Thibaw Min de Birmanie. Les Grenadiers bataves se cantonnent dans le bourg de Pégu, au Nord-Est de Rangoon & ne semblent pas décidés à marcher vers Mandalay. A suivre...

- Scandale international -

Le professeur Adam Kötü Aptal nous transmet un courrier de Zanzibar : "une grande émotion règne ici & beaucoup prévoient de graves complications". Le Grand Vizir de Constantinople, encouragé par le Sultan lui-même & de nombreux diplomates étrangers, tient à faire savoir par voie de presse l'existence d'un immonde trafic d'ivoire en Afrique. Enquêtant au départ sur les affres de la traite négrière, dont Zanzibar semblait être la première bénéficiaire, les autorités turques sont tombées sur un trafic plus rentable & tout aussi détestable, contrôlé par... les Chinois. Son Excellence le Grand Vizir Mehmed Kâmil Pacha dénonce aussitôt l'existence de ce commerce répugnant & accuse Pékin de profiter du massacre des éléphants pour alimenter une contrebande bien organisée. La source étant localisée & maintenant bouclée, la Chine pleure le triste état de sa fortune, perd les revenus de ce trafic infâme, voit ses marchands & transporteurs arrêtés, la triade concernée démantelée.

- Les trois singes de la sagesse -

Un Haïku de Kyoto illustre la pensée de Sa Majesté impériale Mutsu-Hito en cette douce saison d'automne. "Pendant que le tonnerre roule encore au lointain, il voit venir le printemps près du puits, le pinceau du peintre." Le service administratif de la Maison impériale s'ébranle dans un calme typiquement nippon, que seuls les diplomates les plus perspicaces ont eu la lucidité de comprendre. Mais pour le journaliste malicieux, il est évident que quelque chose taraude les ministres du Meiji, depuis que l'Empire Ottoman a été mis sur la sellette, & ceci à propos de déclarations fallacieuses. En conséquence, le Japon refuse de fournir le Sultan en quelque marchandise que ce soit & demande à l'ambassadeur turc de venir expliquer pourquoi la presse française ne cesse de divulguer des informations sur d'éventuelles prétentions guerrières nipponnes, accusant Constantinople de la fuite de ces renseignements. Et, même s'il n'y a aucun fondement aux bruits d'après lesquels le Japon serait disposé à prêter l'oreille à des explications pacifiques, les bureaux des chancelleries d'Europe bourdonnent de plaisir face à cet imbroglio oriental.

- Cahiers du patrimoine -

Dans l'émulation archéologique actuelle, l'Italie ne pouvait pas rester de marbre face aux découvertes ottomanes & américaines. Et puisque les gens instruits sont déterminés à se débarrasser des voleurs d'amphores & des dynamiteurs d'aqueduc, les Rois interviennent pour mettre en valeur leur patrimoine. C'est pourquoi, lors de la séance du Conseil municipal de Rome, le ministre de l'Instruction publique Guido Bacchelli fait voter le texte suivant : "la commune de Rome, déclarant utile & élégant pour la capitale le projet de relier les monuments antiques par des jardins publics & de larges avenues arborées, demande à ce que le gouvernement royal promeuve les mesures légales nécessaires & mettent des fonds à disposition de cette oeuvre, dans la juste mesure de ses moyens économiques." Voeu exaucé. Ce quartier est aussitôt traité comme parc urbain & promenade culturelle.

Le Sultan est peut-être l'homme le plus sagace du monde, puisqu'il offre à la population stambouliote un parc magnifique près du palais impérial de Topkapi. Ce jardin des roses, appelé Gülhane, couvre une vaste superficie avec une variété infinie d'arbres & de cafés en plein air avec des vues impressionnantes sur le Bosphore, dans les environs immédiats du fameux Musée Archéologique, que nous évoquions au printemps. C'est surtout une preuve de plus que le gouvernement ottoman se sent particulièrement concerné par l'instruction & le bien-être de sa population, ce qui reste rare à notre époque.

- Dossiers archéologiques -

Le Français Etienne Aymonier est renvoyé au Cochinchine pour une nouvelle expédition à Angkor Vat. C'est la quatrième mission d'exploration de l'ancienne capitale des Khmers. Aymonier réhabilite le site majestueux & publie la traduction des inscriptions, reconstituant l'histoire du royaume khmer. Ses récits sont publiés en métropole & passionnent immédiatement les lecteurs.

Ce sont les Américains qui clôturent le chapitre des Belles Oeuvres en donnant le récit de leur dernière campagne de fouilles au Proche-Orient. L'équipe du renommé Cornelius Van Alen Van Dyck annonce avoir travaillé sur le site de la ville biblique de Jéricho & mis en valeur les murailles de la plus vieille cité du monde. Depuis la Nuit des Temps, l'emplacement de cette ville est connu, d'autant que la vallée jusqu'au Jourdain est encore densément habitée. Mais plus personne ne s'était soucié de la colline du site antique, identifié céans au tell proche de la source pérenne de Tulul Abu al-Alayik. C'est là que l'équipe américaine a exhumé les fondations du palais d'Hérode. Et, soudain, c'est l'effervescence ! Un des membres de l'équipe américaine assure avoir obtenu un renseignement de premier ordre au sujet de manuscrits très anciens. Ces derniers sont effectivement mis au jour dans une grotte à quelques kilomètres, sur les pentes désertiques de la Mer Morte. La mission archéologique met la main sur des parchemins & des papyrus vieux de quinze à vingt siècles, écrits en hébreu & en araméen. En conséquence, les Etats-Unis créent l'Hebraic Studies Institute à Chicago, afin d'étudier les photographies des rouleaux, remis aux autorités ottomanes.

- L'Age du Progrès -

Le Sultan poursuit sa politique de modernisation & se rend en train à Andrinople, que les Turcs appellent Edirne, pour s'émerveiller devant la coupole encadrée des quatre plus hauts minarets du monde islamique de l'exceptionnelle mosquée construite il y a quatre siècles par Minar Sinan. Le bâtiment est soigneusement restauré & toute la ville reçoit des subsides pour s'agrandir, devenant logiquement une cité majeure du pays. Andrinople a toujours été le verrou stratégique de Constantinople & une résidence du Bey, le gouverneur du pachalik de Roumélie. Cette jolie ville méritait bien que l'on s'y arrête un instant.

Bien loin de là, au bord du Fleuve Jaune, la ville peu connue de Lan-Tchéou connaît elle aussi un essor formidable & devient majeure.

New York est déjà ville majeure, mais si nous l'évoquons ici, c'est parce qu'elle vient d'accueillir la course de l'America's Cup, pour la seconde fois. C'est le sloop américain Mayflower, barré par Martin Stone, qui remporte le trophée en battant le défi écossais, Galatea.

Au Cameroun, l'Allemagne construit des écoles, afin de discipliner tous les enfants du Reich, même ceux des colonies équatoriales.

- La métallurgie au service du bien -

Le Canal de Suez est un lieu de passage de plus en plus utilisé & même la guerre ne peut ralentir ses activités. Les compagnies maritimes l'empruntent avec bonheur, évitant le long détour par Le Cap de Bonne Espérance. C'est le cas de la compagnie ottomane, qui envoie des paquebots, reconnaissables à leur étoile blanche sur la cheminée, vers Zanzibar.

De l'autre côté de la Méditerranée, c'est par Gibraltar que les paquebots italiens s'aventurent en Atlantique Sud & même dans le Pacifique, pour desservir toute l'Amérique du Sud. L'Espagne, avec des moyens plus légers, tente de réaliser le même type de voyage, avec des destinations dans le monde entier.

La KOC - compagnie notoire des Pays-Bas - intensifie ses voyages via Suez pour relier Aden & Ceylan.

L'Allemagne entre enfin en scène & crée la société Hamburg Atlantika Linie, pour desservir les colonies d'Afrique depuis la métropole, avec pour destination de rêve, Dakar & Lagos.

Quant au Canal de Panama, sa construction est entamée dans l'enthousiasme & les investisseurs français assurent avoir les fonds nécessaires à son achèvement pour l'automne 1887.

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Aux Etats-Unis, tous les journaux saluent le triomphe technique réalisé pour relier la côte atlantique de la côte pacifique. Pour cela, les ouvriers ont dû vaincre les Rocheuses en partant de la gare de Phoenix pour Albuquerque, puis traverser la Grande Plaine par Abilène & rejoindre Saint-Louis par les immensités interminables du Kansas & de l'Oklahoma. Le Washington Post titre : "l'abnégation du Président Grover Cleveland permet de la sorte de relier deux océans à travers un continent, alors que d'autres puissances ne sont pas en mesure de relier deux mers à travers un isthme."

Pour ceux qui ne le savaient pas, l'Allemagne & la Russie entretiennent d'excellentes relations. Pour preuve, la voie ferrée construite de Rostov à Kiev, entièrement financée par la Deutsche Bank de Berlin. La compagnie allemande poursuit ses travaux de Munich & Karlsruhe à Zurich, mais aussi en Norvège, d'Oslo à Trondheim. Le réseau russe, quant à lui, atteint Bakou depuis Rostov, via Tiflis, & Ak-Mechet depuis Aral.

Pour désenclaver les provinces forestières des Carpathes, les ingénieurs autrichiens ont étudié la faisabilité d'une ligne de Tarnopol à Klausenburg. A la fin de l'automne, cette ligne est réalisée. 

Les Irlandais peuvent désormais emprunter le train depuis Dublin vers Belfast ou Waterford.

Les Italiens se soucient de leurs colonies méditerranéennes & encouragent leur développement en y construisant des gares entre Tunis, Sfax & Tripoli d'un côté, de Benghazi à Tobrouk de l'autre. Les ouvriers de Sa Majesté Léopold II tracent une ligne de grande importance dans l'Etat indépendant du Congo, entre Léopoldville, Kamina & Elisabethville, c'est-à-dire jusque dans le Haut-Katanga.

Les Mexicains mettent les bouchées doubles au niveau de leurs investissements ferroviaires & parviennent à ériger deux stations depuis Mexico. la première pour Acapulco, la seconde pour Guadalajara.

En Indochine, la France établit une voie ferrée de Phnom Penh à Battambang. Les colonies ont le vent en poupe, puisque les Allemands construisent un train de Calabar à Douala.

Une nouvelle société voit le jour. Il s'agit d'une ambitieuse compagnie bi-nationale, réunissant des industriels allemands & hollandais. Ils créent ainsi l'International Dutch German Railway Co, qui s'attèle à développer les infrastructures de pays neutres en Amérique Latine. Montevideo en Uruguay est reliée à Porto Allegre, Paranagua & Sao Paolo au Brésil. Tout ceci pour, bien sûr, amener la civilisation dans les pays les plus démunis &, accessoirement, rentabiliser leur coefficient économique.

- Reddition de Geronimo - 

Dans les colonies espagnoles, une contestation éclot à La Havane, où l'absence de troupes royales n'apporte que malheur & tourment. L'armée est attendue avec impatience, d'autant que les exportations de tabac risquent d'être stoppées.

Le ministère de l'Intérieur du Mexique a déjà prouvé son incompétence à maintes reprises, n'ayant aucun don de vision panoptique & doit à nouveau s'interroger sur la situation de la ville de Zacatecas, où le peuple rejette vivement la gouvernance du Président Diaz. Le budget est majoritairement axé sur le développement militaire & on ne compte plus les bataillons mis sur pied pour l'armée du Mexique. Armée qui va devoir se montrer à Zacatecas, justement !

A Edimbourg, quelques patriotes écossais, que l'on pourrait qualifier de séparatistes, se sont fait connaître auprès d'une population mécontente envers la politique londonienne. Aussi, voit-on des manifestations de plus en plus hostiles à l'encontre du Premier ministre, Monsieur Gladstone, qui est accusé d'envoyer systématiquement les Ecossais en première ligne, lors des combats de la laborieuse guerre coloniale. Le drapeau se couvre de gloire, certes, mais les Ecossais ne sont pas dupes. L'armée est attendue de pied ferme, afin de ramener le calme à Edimbourg. Dans les ambassades, le calme sera plus long à revenir, car un rapport accuse la diabolique France d'être à la source de ces tristes agitations !

Mais la grande nouvelle vient du Texas où, refoulés par les Lanciers mexicains, puis cernés par l'organisation impeccable de la cavalerie américaine, les Apaches ont cessé de troubler les environs. Ils sont dispersés ou renvoyés dans les réserves. Toutefois, la fin de l'aventure de Geronimo fait l'objet d'une polémique au sein du Congrès américain, car les militaires rendent compte de la reddition d'un dangereux hors-la-loi, alors que les témoins civils rapportent que le chef apache s'est constitué prisonnier moyennant le respect des siens par l'Etat fédéral.