TRAGEDIE VIENNOISE

La ville de Paris se trouve évidemment à un moment décisif de son histoire. La grande exposition du Centenaire de la Révolution va entrer dans une période active par l'élévation des pavillons & l'achèvement de la tour de trois cents mètres de haut de monsieur Eiffel. Ailleurs, c'est une autre effervescence qui prône : les Chambres & les Chancelleries ont eu à s'occuper des affaires diplomatiques les plus complexes & des entreprises coloniales les plus dangereuses. D'abord dans leurs ambassades, où les hauts fonctionnaires & les meilleurs diplomates ont sué pour calmer les tensions de Méditerranée & l'imbroglio des Balkans. Ensuite dans les bureaux aux colonies, où les grandes nations ont procédé à la nomination de commissions chargées d'examiner les crédits & les renforts à envoyer au loin. Ces affaires monopolisaient les titres de la presse, lorsque, soudain, une dépêche de Vienne est venue estourbir les esprits...

- Le drame de Mayerling -

Le Prince Rodolphe, Archiduc héritier d'Autriche-Hongrie, fils de l'Empereur François-Joseph, a été retrouvé mort dans son pavillon de chasse de Mayerling, en compagnie de sa maîtresse, la Baronne Marie von Vetsera. Dès le départ de l'enquête, alors que la police annonce un double suicide, personne n'adhère à cette thèse. Ni le gouvernement, ni la famille impériale, ni les peuples de la double monarchie danubienne. Personne ne peut accepter une pareille fin pour l'héritier du trône, qui était un esprit cultivé & un brillant officier. Et, contrairement à ce qui a été écrit dans certains journaux à scandale, jamais l'Archiduc n'a donné de signe du moindre dérangement cérébral. Ses antécédents & son caractère s'opposent absolument à ces déclarations. Le malheureux Prince a bel & bien été assassiné !

Quelle est donc la véritable cause de la mort de Rodolphe ? Trois hypothèses sont discutées par la population, véritablement surexcitée. La première hypothèse suggère une question d'honneur. Le Prince aurait été tué en duel pour avoir séduit la fille d'un noble autrichien. Cette supposition ne trouve nulle part de confirmation. La deuxième hypothèse fait référence à un accident de chasse. Mais elle est rapidement balayée d'un revers de la main, car il est prouvé que le Prince & sa maîtresse avaient rejoint le pavillon de chasse depuis la gare du village pour ne plus en sortir. La troisième hypothèse s'oriente vers un attentat d'origine politique. D'ailleurs, les services secrets n'ont pas tardé à trouver des pistes & le Comte Gustav von Kalnoky peut aujourd'hui déclarer que des agents étrangers ont été interceptés & questionnés. Sont-ce les deux personnes qui étaient dans le jardin, comme l'indique le témoignage de Jean Lozcek, le domestique ? Cette mort subite & inattendue devient, en plus d'une tragédie pour la famille impériale & la nation, un poison qui se répand dans toutes les ambassades. Quelqu'un qui voudrait nuire à l'Autriche-Hongrie ne s'y serait pas pris autrement...  En attendant les obsèques nationales, l'armée est rappelée de toute urgence à Vienne & se devra de surveiller tout débordement de foule dans les grandes villes de l'empire.

- Triomphe de la persévérance -

L'agence Havas nous transmet les dépêches suivantes avec les commentaires qui les amènent à des proportions peut-être exagérées. L'ouverture du Canal de Panama est cependant un exploit digne de la une de nombreux quotidiens, car l'aventure n'a guère été commode. Le Président Sadi Carnot insiste dans son discours, sur le magnifique projet mené à terme par monsieur Ferdinand de Lesseps, exactement vingt ans après son pharaonique chantier de Suez. L'opération aura été longue & très coûteuse, mais les Français ont réussi. Tous les bateaux peuvent désormais utiliser ce fantastique raccourci interocéanique. Mais les Français peuvent aussi centraliser leurs efforts sur les investigations à mener, à propos des désagréments anormaux survenus lors du percement. Les raisons qui commandaient le secret ont cessé d'exister & les documents dissimulés jusqu'à présent doivent appartenir à l'administration républicaine, qui ne cache pas que son courroux devra être entendu.

- La furia française -

La réaction ne tarde pas à être mise en application. Arguant de sa participation dans les tristes histoires de sabotages à Panama, le Salvador est devenu un ennemi de la République. En conséquence, la France, qui déclare avoir les preuves de l'implication de ce pays pour dissimuler les nuisances d'une autre puissance, décide de châtier les Salvadoriens. Ces derniers, totalement innocents, ne comprennent pas pourquoi la foudre leur tombe sur la tête. Ils ne peuvent espérer rivaliser avec le déploiement des contingents d'élite de la France & ne résistent guère. La ville de San Salvador, la seule d'une telle importance en Amérique Centrale, est occupée dès le troisième jour de la campagne. Le Président Francisco Ménendez est emprisonné & jugé par une cour martiale pour activités séditieuses & atteinte au commerce international. Une administration coloniale est mise en place. La France vient-elle de commettre le pas de trop ? Comment vont réagir les grandes puissances américaines ?

- Accords de Vienne -

Alors que la plupart des plumitifs obsédés par les titres à sensations se glosaient des rivalités internationales en Méditerranée, la diplomatie a réussi à délier le sérieux imbroglio qui envenimait les relations entre l'Espagne & l'Italie, principalement. Nos lecteurs nous rendront cette justice que nous avons toujours été très prudents & quelque peu sceptiques au sujet d'une absence de médiation possible entre ces nations. A l'appel du vigilant Empereur François-Joseph, le très droit Alphonse XII d'Espagne & le fougueux Umberto d'Italie, ainsi que le prudent Président de la République Française, se sont rencontrés à Vienne pour régler les différends du printemps par une procédure pacifique. Fait assez rare, le Roi d'Italie a prononcé des excuses officielles pour les actes regrettables commis par la marine de guerre italienne. Le gouvernement viennois voit avec plaisir qu'un dénouement heureux est conclu entre les diplomates présents, qui ont insisté sur le fait que "les puissances engagées dans un processus de détérioration des relations continentales (européennes) s'étaient avisées avec bonheur, afin de contribuer à une détente morale". Comme on le constate, l'éléphant a accouché d'une souris & les vantardises des saisons précédentes font place aux courbettes & autres obséquiosités. La semaine suivante, le Président Carnot rencontre le Kaiser d'Allemagne à Nancy, afin de garantir la réconciliation des peuples allemand & français. Tout va bien...

- Chantier de l'Exposition du Centenaire -

Monsieur Poubelle, préfet de la Seine, tient à ce que les travaux progressent dans la sérénité, car les Parisiens entrent dans la période pratique des préparatifs de l'Exposition Universelle de 1889. Les questions des personnes disparaissent pour le moment ; certains hommes qui ont été violemment discutés vont pouvoir faire leurs preuves. Ainsi, l'ingénieur Gustave Eiffel s'applique à respecter les délais pour le montage de la tour de mille pieds, nombre symbolique qu'aucune construction n'a jamais réussi à atteindre. Ce défi se concrétise jour après jour devant une foule de curieux, avec la jonction des quatre piliers qui soutiennent un premier étage, qu'un arc de métal rend plus gracieux & plus léger. Il est vrai que l'édifice arachnéen peut déplaire aux esprits conservateurs, qui ne se privent pas de tirer à boulets rouges sur la tour métallique, peinés par "ce squelette de beffroi" comme l'écrit Paul Verlaine ou "cette haute & maigre pyramide d'échelles de fer" dixit Guy de Maupassant ou encore "ce grillage infundibuliforme, dessiné comme un suppositoire criblé de trous" lâché par l'écrivain & critique d'art Huysmans. Au pied de cette dichotomie, s'érigent de beaux palais, représentant les architectures du monde entier. L'Espagne & le Royaume-Uni sont les dernières nations à honorer leur invitation.

- Les Britanniques prennent Lahore -

En Europe, la lettre émouvante de la Reine Victoria, adressée à tous les Allemands pour les soutenir dans les épreuves de la famille impériale, prend à peine le pas sur le compte-rendu de la campagne militaire lancée aux Indes. Les nouvelles officielles du Pendjab, qui étaient attendues à Londres avec la plus vive impatience, sont enfin arrivées & les journaux s'en font l'écho immédiat. Le corps des Gordon Highlanders, épaulé par les éclaireurs du bataillon indien des Sikhs d'Amritsar, est entré dans Lahore. Le Pendjab est un royaume d'une immense importance & d'une immense richesse & beaucoup se demandent pourquoi les têtes pensantes de Londres ont mis tant de temps à y envoyer une armée. La seule résistance vient du Nabab de Bahawalpur, Sadeq Khan Abbasi, mais sa troupe est vite anéantie. La ville a été cernée, une brèche a été ouverte par l'artillerie, puis les fantassins se sont engouffrés & le réduit a été pris à la baïonnette. Le Nabab , lui-même, a été blessé au cou & a été évacué dans une ambulance de campagne. La ville de Lahore & son entreprise de textile mondialement connue deviennent propriétés de la Reine Victoria, Impératrice des Indes. Tous les Maharadjas gardent leur palais en devenant loyaux à la couronne britannique. Ce qui, chacun le constate, prouve que le remplacement de Lord Dufferin au poste de vice-Roi des Indes par le flamboyant Henry Petty-Fitzmaurice, Marquis de Lansdowne, a des conséquences immédiates. Cette opération rend closes toutes les spéculations au sujet de l'Asie centrale, dont le partage est maintenant acté. 

- Le gouffre afghan -

Le partage de l'Asie centrale trouve son épilogue avec la dernière campagne des Russes, en Afghanistan, dans le piémont de l'Himalaya. Le télégraphe de Samarcande à Mazar e-Charif a été installé & les communications directes avec ce pays secret & difficile d'accès se trouvent ainsi établies. Voilà pourquoi nos colonnes peuvent se remplir de renseignements fiables. Ainsi, une habile manoeuvre du général Nikoilaï Krasnov, dirigée contre les viriles milices locales établies sur la route de Kaboul, a pleinement réussi. Les Afghans, qui mènent plutôt des actions de guérillas & évitent le plus souvent d'engager de véritables batailles, ont été obligés de s'accrocher au col du Salang. Là, les Russes les ont écrasé de tirs d'obusiers, puis ont lancé les Cosaques contre les villages qui abritaient les autochtones. Tout homme en possession d'une arme est éventré sans discussion d'un coup de lance ou de sabre, car de nombreux témoins assurent que les Afghans émasculent les Russes lorsqu'ils sont faits prisonniers, les attachent sur le sol, la bouche maintenue entrouverte par un bâton, pour que les femmes urinent dans leur bouche à tour de rôle, jusqu'à l'asphyxie du condamné. La route de Kaboul est ouverte & les Russes s'y engouffrent. Mais, à la fin du mois de novembre, les opérations sont interrompues ou retardées par le mauvais temps & l'usure des forces conquérantes. Pour lutter contre les mauvais approvisionnements en eau & la dysentrie qui commence à sévir, il est fait usage de bouillote russe & les soldats reçoivent régulièrement une distribution de thé. Le général Krasnov envoie alors un bulletin pour le Tsar Alexandre III. Kaboul sera prise pour le jour de Noël, il est fait le serment.

- Mystérieuse Tombouctou -

Voilà cinq siècles que les voyageurs citent Tombouctou comme la ville la plus fastueuse & la plus merveilleuse du continent africain. Mais depuis le témoignage du Français René Caillié, seul explorateur à avoir vu Tombouctou & à en être revenu vivant, il semble que la cité ne soit plus que l'ombre d'elle-même. Le général Wilhelm von Hahnke, surnommé "l'ouvreur de l'empire colonial allemand" avance, comme toujours, avec la plus grande prudence. Pour vaincre les Peuls & les Touaregs aux traditionnels boubous couleur indigo, il divise ses forces en deux colonnes, l'une avec la solide infanterie de la Garde, l'autre avec la rapide cavalerie des Jäger. Ces unités sont précédées d'une myriade d'éclaireurs & progressent lentement, mais sûrement. Finalement, arrivé en vue de Tombouctou, Hahnke décide d'attendre encore trois jours, afin d'observer les réactions autochtones & préparer un plan d'attaque infaillible. Pour cela, l'Allemand prévoit de lancer un assaut nocturne, d'autant que Tombouctou est en ce mois d'octobre un des endroits les plus chauds sur Terre. Sous le manteau de la nuit, les régiments teutons s'ébranlent sans bruit, à la lueur d'une lune complice. Au petit matin, les Touaregs acceptent de se soumettre. Les pertes sont insignifiantes & il est décidé que la franchise postale sera accordée à tous les hommes du corps expéditionnaire. Par conséquent, toutes les lettres qui leurs sont adressées d'Allemagne et vice versa n'ont nul besoin d'être affranchies.

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Voici que les grandes puissances lorgnent sur les îlots les plus innocents. Face au Sénégal, la marine américaine vient s'installer dans les îles du Cap-vert & hisse haut sa bannière. La Regia Marina, elle, vient prendre possession des Açores. De l'autre côté de l'Afrique, les Anglais sont tout fiers de prendre les Comores & les Français s'emparent de l'immense Madagascar.

- L'Italie reprend la main au Mozambique -

Le dernier acte de la comédie italienne pourrait bien avoir un tout autre dénouement que celui que certains voulaient lui préparer. Certes, les Italiens apparaissent accablés par de nombreux revers & se montrent outrés par le nombre de nations qui ne leurs sont point favorables. Un diplomate disait hier que ce spectacle tapageur est considéré à l'étranger comme une protestation très vive contre le pouvoir personnel & non contre une disposition géopolitique. D'ailleurs, au sujet de ce qui se passe au Mozambique, le ministre de la Guerre a reçu des nouvelles du nouveau commandant de l'armée coloniale, datées de Dar es-Salaam, le 9 octobre. Remplaçant le général San Marzano mortellement atteint par la balle d'un tireur d'élite, le général Baldissera assure l'installation & les défenses des troupes qui doivent tenir le port & la ville de Beira, dernière base italienne au Mozambique. Cette opération, qui doit prendre plusieurs jours, n'a pas le temps d'arriver à son terme en raison de l'impatience des Boers. Quant aux Britanniques, menés par l'amiral William Gore Jones, qui se préparaient à prendre des mesures pour établir le blocus du port de Beira, ainsi que du port de Quelimane, les seuls points par lesquels des renforts peuvent être acheminés au Mozambique, les voilà partis vers d'autres horizons. Du côté terrestre, animés de la plus grande ardeur, les Boers ont attaqué le camp de Beira, défendu par les derniers régiments de la Garde & quelques bataillons d'Askaris (troupes indigènes formées par les Italiens), retranchés dans les cinq forts à casemates. Profitant d'une supériorité numérique écrasante, ils n'ont pas usé de modération & ont déploré de lourds dommages. Une seconde fois, ils ont déclenché un assaut contre les fortifications & une seconde fois l'artillerie italienne a couvert la terre de leurs cadavres. Soudain, le rapport de force & le moral de la troupe changent de camp. Le colonel Oreste Baratieri, commandant le troisième corps de Bersagliers, a débarqué quelques jours plus tôt & vient prendre de flanc les Boers. Ces derniers, totalement désemparés, sont brisés & n'ont d'autres choix que de faire retraite dans la précipitation.

- Découverte de la tombe du Roi Midas -

Tous les étudiants de l'Empire Ottoman connaissent la légende du Roi Midas qui, par une volonté de Dionysos, pouvait changer tout ce qu'il voulait en or. Le Roi de Phrygie ne pouvant plus manger, ni boire, ni même prendre dans ses bras son épouse, dut implorer Dionysos de lui ôter ce pouvoir & y parvint en se lavant les mains dans le fleuve Pactole. D'autres se souviennent, plus amusés encore, qu'Apollon avait donné à Midas des oreilles d'ânes, qu'il devait ensuite cacher sous son bonnet phrygien. Passionnée par les récits d'Hérodote, une équipe archéologique s'est rendue sur le site de l'ancienne ville de Gordion, à quatre-vingts kilomètres d'Ankara, où elle a entrepris de fouiller les vestiges visibles & de visiter la centaine de collines environnantes. Le tumulus le plus majestueux, d'un diamètre de trois cents mètres & d'une hauteur de plus de cinquante mètres, a vivement intéressé les chercheurs, qui ont soigneusement dégagé une rampe & découvert une entrée de pierre. Parvenant à forer la base du premier couloir, les archéologues ont réussi à accéder à la chambre funéraire, pour y trouver un squelette sur un lit de bois sculpté, entouré de rhytons de bronze, de vases en céramique & de coffres. Ils ont identifié rapidement l'individu comme étant Midas III, le grand souverain du peuple phrygien & tête de Turc des divinités grecques. Rappelons aussi que Gordion fut le théâtre célèbre du geste d'Alexandre le Grand, coupant le noeud gordien. La légende disait que celui qui parviendrait à défaire ce noeud deviendrait le maître de l'Asie. Est-ce, là, le nouveau rêve des Ottomans ?

- Le dessous des cartes - 

Nous ne pouvons passer sous silence les articles d'une certaine presse qui pullulent actuellement en Amérique & jusqu'en Afrique du Sud. Tous ces articles dénoncent les connivences entre les Américains & les Britanniques au sujet du dépeçage du continent africain & principalement dans ses régions australes. La main-mise sur l'armement & les décisions politiques des dirigeants sud-africains, par exemple, ainsi que la présence d'instructeurs américains dans les rangs de l'armée du Transvaal sont des actes dont les pays anglo-saxons ne pèsent pas l'agacement. Selon cette presse, que l'on peut qualifier de clandestine, la machine administrative de Washington soudoie, magouille, trempe dans les pires scandales. 

- Carnets de route - 

La compagnie ottomane de navigation tente de se rapprocher des meilleures sociétés. Elle ouvre de nouvelles lignes vers Alexandrie, Athènes & Djeddah, le port qui permet aux pèlerins de rejoindre La Mecque. Malgré ces efforts, elle est encore loin de prétendre concurrencer la Toyo Kisen de l'Empereur du Japon, qui améliore la vitesse et le confort de ses géants des mers. Leurs plus sérieux concurrents deviennent les Messageries Maritimes de la République Française, qui au départ du Havre, bourlinguent partout. Leur détermination s'illustre avec le fabuleux voyage d'un paquebot sobrement baptisé France, qui est le premier à franchir l'isthme de Panama pour réaliser le tour du monde. Notons encore que le détenteur du Ruban Bleu est maintenant le paquebot britannique Etruria, qui a réalisé une traversée atlantique en six jours, une heure & cinquante-cinq minutes. La British Steamship ouvre d'ailleurs de nouvelles destinations comme la Barbade & la Jamaïque, mais aussi le Guatemala & le Chili.

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Aux Etats-Unis, les travaux reprennent, surtout pour favoriser le Texas qui avait pris du retard sur la modernité. Des rails partent donc d'Austin dans trois directions, vers Abilène, San Antonio & Houston. Les Allemands poursuivent leur rail en Afrique, depuis Dakar vers Nouakchott au Nord & vers Bamako à l'Est. Les Français les rejoignent à Nouakchott, avec une ligne qui part de Fès, passe par Marrakech, puis Agadir & Dakhla. En métropole, ils poussent la ligne de Rouen jusqu'au Havre. Aux Indes, les Britanniques ont réalisé un exploit en traversant tout le sous-continent d'Est en Ouest, avec une voie ferrée de Calcutta à Bombay, via Cuttack & Nagpur. Ils en profitent pour terminer la ligne de Delhi jusque Lahore, au Pendjab. Dans l'Empire du Milieu, les villes très peuplées de Nankin & de Shanghai sont reliées par une voie ferrée. 

- Urbanisme galopant - 

L'élégance & la beauté de Dresde, au bord de l'Elbe, ont de tout temps démarqué la capitale des souverains de Saxe & c'est d'une logique implacable que le Chancelier du Reich l'élève maintenant au rang de cité majeure. A quatre cents kilomètres de là, Linz reçoit de l'Empereur François-Joseph l'assurance de devenir, elle aussi, une grande cité. Plus au Sud encore, c'est Parme en Italie, la ville du célèbre compositeur Guiseppe Verdi, qui profite des crédits nationaux pour s'étendre. Notons que Turin, déjà majeure, voit son centre-ville orné d'une construction ambitieuse, la Mole Antonelliana, au dôme remarquable. La ville de Sapporo, qui est de notoriété publique un haut lieu de l'excellence de la bière, est en même temps la capitale administrative de la grande île septentrionale de l'archipel nippon. Elle devient une cité majeure sous l'impulsion de copieux crédits accordés par l'Empereur. Au Mexique, l'essor démographique se remarque avec l'agrandissement de la ville d'Oaxaca.

- Elections américaines - 

Les journaux ont tenu en haleine la population américaine qui s'est passionnée pour un scrutin, qui s'est montré indécis jusqu'aux derniers jours. Les rumeurs de tentatives de déstabilisation de l'étranger n'ont pas apaisé l'Oncle Sam, qui avait décidé de surveiller tout le territoire, toutes les villes, tous les bureaux de votes. On dit que des agents des services de l'intérieur s'étaient infiltrés partout pour observer le moindre méfait. Les cercles syndicaux, les manufactures, les gares, les zones portuaires, les consulats & même les ambassades, tout a été épié jusqu'à l'exagération. De même, la sécurité des deux candidats a été maximale, avec des gardes du corps pour les déplacements & les discours. Les gamins, le plus souvent d'origine italienne, qui lançaient des tomates pourries sur les officiels ont été sévèrement punis. A ce sujet, la ville de New York a été privilégiée par l'administration américaine, qui a placé les quartiers italiens sous coupe réglée & n'a pas hésité à faire pression par des arrestations, des matraquages & des emprisonnements préventifs. La réaction a été immédiate ; des mouvements de contestation sont apparus dans le Sud de Manhattan, où les dockers se sont mis en grève. L'armée devra se montrer. Ah, oui, signalons tout de même que le vainqueur est le Président Cleveland, qui est réélu pour quatre ans.

- Pirates en Mer de Chine -

Voilà bien un événement dont nous n'avions plus ouï-dire depuis des lustres. Mais la nouvelle est confirmée par les ambassades de Pékin & de Tokyo, qui déplorent le vol de nombreuses cargaisons. Des pirates sans foi ni loi ont fait leur retour en Mer de Chine & arraisonnent avec leurs jonques rapides, les bateaux de commerce qui viennent chercher les marchandises dans les ports chinois & japonais. Et, comme le trafic est intense cette saison, les forbans se sont gavés en pillant les navires qui sortaient des ports du Nord de la Chine, principalement.

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En Mer Rouge, les Autrichiens signalent avoir intercepté un brick, soit un voilier à deux mâts, rempli de munitions en provenance de Sébastopol, pour les soldats du Roi Ménélik du Choa, le potentiel successeur de la lutte éthiopienne contre l'envahisseur. En Abyssinie, la situation est calme & les Autrichiens maintiennent l'ordre dans les différentes régions. 

- Les rues de Londres ne sont pas sûres -

L'agitation dans les réunions publiques devient chaque jour plus grande pour exprimer son mécontentement. Cependant, c'est par une série d'actes perpétrés par un seul criminel que Londres vit, soudain, dans la peur. C'est une agence de presse londonienne, à laquelle un surprenant messager vient de poster un courrier interpellant, qui dévoile l'histoire. Dans le quartier populaire de Whitechapel, sévit un meurtrier que l'on surnomme Jack l'éventreur, qui s'accuse de commettre des atrocités commises à l'aide d'un scalpel sur les prostituées des bas-fonds de la capitale. 

Plus grave encore est l'attentat effectué contre l'Orient Express, qui reliait Paris à Vienne, puis Constantinople. En vue du Bosphore, un épouvantable déraillement a eu lieu sur le dernier kilomètre de voie, avant la gare centrale de Constantinople. Les témoins parlent d'une explosion qui aurait causé le déraillement de la locomotive & l'aurait projeté contre les anciennes murailles de la séculaire cité. La machine a été broyée sous le choc, ainsi que les quatre premières voitures du célèbre train international à la livrée bleue de nuit. Les voyageurs qui étaient dans les autres wagons, affolés, n'ont pu donner aucun détail à la police. Une profonde émotion a fait converger une foule énorme vers le quartier de la gare & du palais impérial. La population inquiète semblait vouloir en découdre avec les autorités, mais la garnison stambouliote à vite dispersé les mécontents.

Shanghai avait été le théâtre d'une émeute. Les Chinois demandaient le départ des Américains & la fin de leur concession. Des enfants jetaient des pierres sur les passants occidentaux. L'armée est donc intervenue & a tiré sur la foule, faisant plusieurs tués & blessés. Ainsi, le gouvernement rend encore plus intense l'hostilité des autochtones contre les Américains & les Européens. Du point de vue de l'ordre urbain, tout semble rentrer dans l'ordre, mais il est certain que l'opinion publique blâme sévèrement cette manière d'agir des forces impériales. On annonce de source chinoise que les régiments de la Garde impériale, désignés sous le nom de Katzing, viennent d'arriver à Canton. Ils sont chargés de garder les portes de la ville, afin d'éviter de lire le même article la saison prochaine dans cette ville aux quartiers cosmopolites.

Au Mexique où, avouons-le l'ordre n'a jamais été parfait, il règne une grande agitation dans la ville d'Acapulco. La troupe doit se montrer dans les délais les plus brefs. 

Au Japon, c'est à Shimonoseki que la foule s'excite, alors que l'on nous assurait que le peuple de l'archipel était le plus doux & le plus civilisé. La soldatesque de l'Empereur va devoir patrouiller.

Enfin, les ouvriers de l'usine Philips se mettent en grève. Il faut que l'armée remette rapidement de l'ordre dans cette ville provinciale, sous peine de ne plus pouvoir exporter de machines produites dans cette célèbre manufacture.

- Liste actualisée des manufactures -

En Allemagne, le gouvernement décide que le Reich ne doit plus dépendre de qui que ce soit pour fournir son armée en fusils & autres armements légers. Pour cela, le gouvernement du Prince de Bismarck ordonne la construction d'une usine performante, la Mauser Waffenfabrik AG, à Oberndorf, près de Karlsruhe. Le Gewehr 88 devient aussitôt le fusil à répétition le plus fiable du monde.

Les marchands les plus avisés auront remarqué que seules trois sociétés se maintenaient remarquablement depuis des années, réalisant des ventes à deux chiffres, tous les semestres. Ce sont le Crédit Lyonnais, la firme chimique Bayer & les mines Nizhne Serginsk. En revanche, les économistes sont sceptiques, voire très inquiets pour les entreprises suivantes, car elles avaient réalisé un démarrage exceptionnel, mais depuis trois ou quatre ans ne vendent presque plus rien. Ces entreprises moribondes sont la Royal Dutch Shell, l'arsenal Steyr-Mannlicher, la Zeche Zollern & la Shapur Mill. 

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Alimentaire : Abyssinie (AUTRICHE), Argentine, Ceylan (ROYAUME UNI), CHINE, ITALIE, MEXIQUE, TURQUIE.

Armement : ALLEMAGNE, AUTRICHE, BELGIQUE, CHINE, ESPAGNE, FRANCE, ROYAUME UNI, Suède.

Banque : AUTRICHE, BELGIQUE, FRANCE, JAPON, ROYAUME UNI, Suisse.

Chantier naval : BELGIQUE, ESPAGNE, Grèce, JAPON, ROYAUME UNI.

Charbonnage : ALLEMAGNE, BELGIQUE, ETATS-UNIS, Mandchourie (CHINE), Mozambique (Transvaal).

Chimie : ALLEMAGNE, JAPON, Norvège, ROYAUME UNI.

Gisements : Brésil, Congo (BELGIQUE), Etats Malais (PAYS-BAS), Matebeleland (ROYAUME UNI), Nigeria (ALLEMAGNE), RUSSIE.

Machines outils : Danemark, ITALIE, JAPON, PAYS-BAS, RUSSIE.

Mines : Australie, Côte d'Or (ESPAGNE), Katanga (BELGIQUE), MEXIQUE, RUSSIE, Transvaal.

Pétrole : Azerbaïdjan (RUSSIE), Birmanie (PAYS-BAS), ETATS-UNIS, Roumanie, Sumatra (PAYS-BAS).

Sidérurgie : BELGIQUE, ESPAGNE, JAPON, MEXIQUE.

Tabac : Barbade (ROYAUME UNI), Cuba, JAPON, MEXIQUE, Nicaragua, TURQUIE.

Textile : AUTRICHE, BELGIQUE, Corée (JAPON), Egypte (TURQUIE), Gujarat (ROYAUME UNI), Maroc (FRANCE), Pendjab (ROYAUME UNI).

Verrerie : AUTRICHE, BELGIQUE, Canada, CHINE, FRANCE, Perse.

DATE LIMITE DE L'HIVER 1888-1889 : VENDREDI 12 JANVIER 2024