LA CONQUETE DU POLE NORD

Il ne faut jamais s'endormir sur d'anciens lauriers & il ne faudrait pas croire que, par ces temps fiévreux où les peuples & les individus vivent si vite & où tout se métamorphose à vue d'oeil, le passé & le présent suffisent à répondre de l'avenir. Nous sommes à une époque où tout est à craindre & où les adversaires potentiels travaillent avec une activité dévorante à perfectionner leurs machines de guerre. Il est d'autant plus urgent d'ouvrir l'oeil que personne ne saurait prévoir ce que deviendront les relations de chaque nation dans les semaines à venir. D'autant que dans une année, la France voudra montrer au monde entier son sens de l'hospitalité & son savoir-faire technique. L'impatiente Angleterre ne peut attendre & signale céans qu'elle entend rester la première nation du globe. Pour cela, elle envoie son explorateur le plus fameux conquérir le toit du Monde & montre soudain sa détermination sur tous les continents.

- Les magnifiques conquérants de l'inutile -

Un vif émoi règne dans les cercles de Londres depuis l'annonce du Premier ministre, Sir William Gladstone, émise à propos de l'expédition boréale britannique, partie avec l'ambition folle de planter symboliquement l'Union Jack au Pôle Nord. Jusqu'alors, seuls les plus curieux le savent, plusieurs expéditions ont été menées pour atteindre le Pôle. Surtout depuis trente-cinq ans, c'est-à-dire depuis que le géographe allemand August Petermann a publié sa théorie au sujet d'une polynie, soit l'existence d'une mer ouverte & libre de glace au milieu de la banquise. Cette conception ne sera jamais confirmée, mais les explorateurs se relayent pour tenter la prouesse à peine envisageable d'arriver au point le plus septentrional de notre planète. L'expédition britannique s'est bien préparée, avec de multiples repérages autour du Groenland dès l'été 1887. Sous la direction du solide contre-amiral Henry Frederick Stephenson, l'équipe formée par deux Britanniques & trois Inuits emmène des traineaux, des skis & des kayaks, ainsi que tout le matériel arctique indispensable. Leur navire les dépose à une latitude extrême de 83° au Nord de la Terre François-Joseph & l'aventure commence réellement. Tout le long de son périple dans les glaces, Stephenson réalise le plus de relevés géographiques & météorologiques possibles, afin de prouver l'authenticité de son exploit. Son télégramme victorieux envoyé au premier jour du mois de juin est immédiatement diffusé par tous les journaux du royaume. Ils l'ont fait !

- Exposition Universelle -

Le Président Sadi Carnot a lancé officiellement les invitations & le début des travaux pour l'Exposition Universelle, que la France organisera à l'été de l'année prochaine, pour les festivités du centenaire de la Révolution. Face à la Seine, sur le Champ de Mars, un chantier de titan est dominé par un gigantesque enchevêtrement arachnéen de poutrelles métalliques, que Monsieur Eiffel a décidé de faire monter à trois cents mètres ! On voit que le travail n'est pas mince & que, pour des gens habitués à agir avec une sage lenteur, douze mois ne seront pas de trop pour mener les chantiers à bonne fin. Plusieurs nations ont déjà annoncé leur participation en construisant des pavillons sur l'esplanade du Trocadéro. Ainsi est-on assuré de pouvoir admirer bientôt les architectures bigarrées de l'Empire Ottoman, de la Belgique, de l'Italie, de la Russie, des Etats-Unis & des Pays-Bas.

Le gouvernement insiste sur la fierté & le bonheur de vivre en France, mais aussi dans les colonies, où l'enseignement primaire imposé doit apporter une vive émulation dans les populations & l'accès à la civilisation.

- Le Kronprinz devient le Kaiser -

A Berlin, alors que les jets d'eau sont rouverts & que les arbres se couvrent de feuilles devant le palais royal, l'hiver fait place au printemps comme le Kaiser fait place au Kronprinz. Car, suite au décès à San Remo de l'Empereur Guillaume, le Prince héritier Frédéric-Guillaume de Hohenzollern devient le nouvel Empereur d'Allemagne, sous le nom de Frédéric III. La nation allemande pleure le glorieux Empereur en qui elle a perdu un souverain juste & doux, le guide sage & énergique de ses destinées, le restaurateur de son unité. Cependant, atteint d'une maladie incurable - Frédéric a un cancer du larynx & n'a plus l'usage de la parole - tous se demandent combien de temps pourra tenir le successeur. Frédéric est connu depuis toujours pour être un libéral & son règne est attendu par une immense majorité de la population & de l'intelligentsia allemande. Son épouse Victoria, fille aînée de la reine Victoria, travaille assidûment à l'aménagement du château de Charlottenburg, où viendront demeurer les membres de la famille princière, pour être au plus près. Les journaux de Berlin font ressortir que le père & le fils ont les mêmes vues politiques & que, du reste, le Prince Guillaume ne saurait s'écarter des principes renfermés dans les proclamations impériales. Mais il est aisé de dire & de prévoir que le véritable successeur de Guillaume Ier ne serait ni Frédéric, ni son fils, mais l'inamovible Prince Otto de Bismarck.

- Manoeuvres militaires de grande ampleur - 

L'Allemagne impériale & la Sainte Russie ont trouvé un accord militaire, afin de pouvoir organiser d'importantes manoeuvres communes entre Königsberg & Vilnius, depuis les lacs de Mazurie, jusqu'aux berges du Niemen, à travers plaines & forêts. Traversant les frontières, les deux armées engagées dans ces exercices terrestres ont échangé leurs domaines de connaissances & les moyens d'augmenter l'efficacité de la mobilisation, des mouvements & des communications entre les divisions. C'est la première fois que l'on assiste à un tel déploiement international. Demandant le secret absolu sur la combinaison des forces de ces deux puissances, les plus hauts officiers & les ministres de l'Intérieur n'ont pu faire pression sur les journaux & emprisonner tous les témoins des opérations ! Les missions étrangères n'étaient pas invitées à assister à ces grandes manoeuvres, mais les voyageurs dans les trains ont immanquablement remarqué la concentration inhabituelle de soldats dans les gares.

- L'importune Italie - 

Les Anglais, qui trouvent bon de se conduire partout comme s'ils étaient chez eux témoignent d'un empressement des plus modérés à se relier d'une façon quelconque avec le continent. La diplomatie semble en vacance & les fréquentations consulaires ne trouvent que peu d'écho jusqu'au palais de Westminster ou au numéro dix de Downing Street. La presse, de l'autre côté du détroit, parait toutefois fort irritée contre le gouvernement italien & c'est désormais un secret de Polichinelle que ces deux nations ne s'apprécient guère. C'est bien pire à Madrid, où l'on vit dans un tel état d'esprit que les caquets les plus invraisemblables trouvent créance dans tout le pays dès qu'il est question de l'Italie & de son hostilité. Pour témoin, l'histoire à dormir debout de l'escadre italienne se préparant à brûler Barcelone. On racontait hier dans le quotidien La Vanguardia qu'un vapeur marchand espagnol transportant une cargaison britannique a été canonné par un vaisseau italien, en vue de Gênes, & aurait été arraisonné. Il parait élémentaire de croire que l'incident doit se réduire à ceci : le vapeur espagnol, qui n'a reçu aucun projectile, se sera trouvé accidentellement sous le feu de l'escadre italienne qui manoeuvrait, suivant l'usage, au large de Gênes, la base la plus connue de la Regia Marina. N'ayant reçu aucune nouvelle de la part du gouvernement italien, l'Espagne durcit le ton & intercepte à son tour un navire de commerce battant pavillon italien & lui confisque sa marchandise mexicaine. Quant à la Royal Navy, qui avait décidé cet hiver de venir faire elle aussi des manoeuvres en Méditerranée depuis le Grand Harbour de la Valette, elle a décidé de calmer le jeu en s'écartant des eaux territoriales italiennes. Mais elle maintient une puissante force à Gibraltar, telle une zélée sentinelle. 

- Le Négus finit par se soumettre -

L'agence Donau a reçu la dépêche suivante de Massaouah : les postes avancés des Abyssins s'étant retirés la nuit dernière, les soldats ont pu pénétré dans la camp ennemi. Ils racontent tous que le Négus, persuadé qu'il ne pouvait plus attaquer les Autrichiens avec chance de succès, s'est décidé à demander la paix. Cette information est confirmée par les bulletins de victoire émis par le quartier général du Comte von Teschen, qui assurent que plus aucune munition n'est acheminée vers Addis-Abeba & que l'étreinte des soldats autrichiens & hongrois a été particulièrement efficace. Les hommes se sont bornés à prier leurs généraux de hâter le plus possible l'offensive de l'armée principale, qui se trouvait à l'Est de Gondar, trouvant là des provisions & de l'eau en abondance. Contournant le lac Tana, connu pour être la source du Nil Bleu, les Autrichiens découvrent les églises rupestres de Lalibela, pendant que le front de la capitale s'effondre d'un coup. Cela n'a pas été sans peine, le dernier bataillon du corps des Jäger s'effondrant dans l'assaut. Ce sont les Grenadiers autrichiens qui parviennent finalement à entrer dans le palais & faire prisonnier le malheureux Négus Yohannès IV, abandonné de tous une fois ses soldats éparpillés. Le pays n'est cependant par sûr au-delà des montagnes occidentales. Les Autrichiens devront veiller.

- Les Anglais les devancent tous -

En Afrique, l'armée britannique vient de prendre de vitesse tous les états-majors, en débarquant le premier corps des Royal Guards du rusé général McNeil à Durban, afin de profiter de la ligne ferroviaire hautement stratégique qui traverse le Natal, le Transvaal & le Matebeleland. Le gisement Consolidated Diamond de Salisbury devient la propriété de la Grande Bretagne & les populations locales sont invitées à se placer sous le protectorat anglais. Cette manoeuvre éclair rend abasourdis les services de renseignements de la Belgique & de l'Italie, qui avaient des projets & des troupes à portée immédiate dans la région. Au final, les Britanniques se pavanent, les Italiens sont en pleine déroute & les mercenaires du Roi Léopold II doivent piteusement rebrousser chemin. 

- Les Boers chassent les Italiens de Moatize -

Mais le grand événement est à venir, car on dit partout que les Boers se seraient vengés des Italiens en les bousculant, puis en les boutant hors de la région. Ces bruits, qui ont pris naissance à la frontière & qui sont parvenus jusqu'au port de Beira, colportés sans doute par les indigènes, affirment que l'armée des Boers a été convoyée par le rail construit par les Britanniques à travers l'Afrique australe, pour attaquer les Italiens au Nord du Mozambique. Des avis montrent qu'il y a une grande exagération dans ces bruits. Néanmoins, une armée de ces intrépides hommes du Transvaal est réellement signalée dans le Matebeleland & avance sans hésiter vers Moatize, passant résolument à l'offensive générale. Le général San Marzano est totalement assommé par cette manoeuvre, lui qui espérait s'avancer sur Salisbury & devenir le héros que l'Italie se cherche. Son corps d'armée, bien inférieur, doit battre en retraite, abandonnant la propriété du charbonnage de Moatize, semble-t-il l'un des plus convoités du monde. 

- Le Sahara occidental est rattaché -

Le corps de Chasseurs d'Afrique, soutenu par un bataillon de la Légion étrangère, sous le commandement du Colonel Achille Vuillemot vient de faire la démonstration de ses talents militaires, en débarquant à Dakhla, un petit havre situé sur la côte atlantique du Rio de Oro, le long de belles dunes blanches. Les terres du Sahara Occidental deviennent françaises & garantissent une sécurité pour le Maroc.

Notons que de l'autre côté de l'Afrique, le contre-amiral Charles-Eugène Galiber s'est vu ordonner de prendre possession des îles Maldives, au Sud de l'Inde. Il y a planté un drapeau français & installé une administration coloniale. Ces territoires sans richesse ne peuvent avoir attiré les regards de l'état-major qu'en raison de leur position stratégique. 

- Démonstration américaine à Sao Tomé -

La marine américaine débarque un corps d'armée à Sao Tomé, ville homonyme de l'archipel de Sao Tomé & Principe, en français Saint-Thomas & île du Prince. C'est la première opération de l'armée des Etats-Unis pour s'approprier une colonie. Le petit duo d'îles volcaniques du Golfe de Guinée sert ainsi de terrain d'entrainement, dans une moiteur équatoriale. Notons que l'île de Sao Tomé était inhabitée, avant sa découverte par les Portugais en 1470. 

- Guerre en Afghanistan -

C'est dans le pays aux vallées les plus inaccessibles, aux seuils de la Chine & des Indes britanniques, que la Russie entasse patiemment ses forces. Le Tsar Alexandre III y a envoyé plusieurs corps, commandés par le général Nikolaï Krasnov, un militaire doué de la plume de l'historien. Ce haut gradé, modeste autant qu'intelligent, est arrivé dans sa calèche & réunit ses officiers pour leur indiquer comment savoir au mieux guider les hommes. Ayant pleine liberté d'agir au mieux des intérêts de la Russie, Krasnov prend le sage parti de n'informer aucune presse, de n'envoyer aucun télégramme & ne dévoiler à personne ses intentions stratégiques. Seul le Tsar, qui l'a voulu ainsi, est informé chaque jour des progrès de l'armée. Depuis Mazâr e-Charif une ville qui, bien que déchue de son ancienne importance, compte encore vingt mille habitants, population augmentée par le flux des paysans qui ont tout perdu lors de l'avance des envahisseurs, il est probable que les Russes songent à progresser vers Kaboul. Comme nous ne pouvons rien savoir de ce qui se passe réellement sur le front, nous devons supputer que le combat principal doit se dérouler au col du Salang. Toutefois, les finasseries russes sont si nombreuses qu'au dernier jour du mois de mai, nous apprenons que l'Emir de Fer a été assassiné.

- Nouvelle offensive chinoise -

A Pékin, l'Impératrice T'seu-Hi ne néglige rien pour retrouver sa popularité. L'autre jour, Sa Majesté ordonnait que l'on aide les agriculteurs par des subventions. Aujourd'hui, la souveraine douairière a demandé à ses ministres de visiter les hôpitaux & de poursuivre l'assainissement du pays. Le Tchoum-Tchi-Tch'ou ou Grand conseil a poursuivi en donnant de substantiels moyens pour la réalisation de ces projets. Mais surtout, ce que l'Impératrice veut, ce sont des victoires. Pour cela, le général Su Yuanchun engage son infanterie à l'assaut des forteresses dzoungares, avec l'appui de canons de gros calibres, pendant que la cavalerie tente des raids pour déstabiliser l'arrière-pays. Les chinois épatent tous les observateurs, agissant avec énergie & détermination, afin que leurs plans initiaux ne soient pas contrariés. A ce rythme, Urumtsi peut espérer être prise pour l'été ou l'automne de cette année. Le patriotisme est poussé jusqu'au bout de ses limites, laissant éclater une terrifiante xénophobie. Un correspondant du Times à Canton décrit la fièvre qui s'empare des Chinois. "Ici, la populace n'aime pas les étrangers, qu'ils soient marchands ou non & ne se prive pas de l'exprimer, tant elle est bruyante à l'excès. On bavarde à haute voix, on rit très fort, on se moque du passant, surtout si par hasard c'est un Européen. Quant aux Turcs, ils ont tous décampé depuis longtemps & plus aucune boutique ne leur appartient."

- Espionnage international -

Clientes assidues des grands palaces, les espionnes en jupon continuent d'être utilisées ou suivies par les services secrets les plus féconds. D'ailleurs, pour de nombreuses nations, il serait bon que les autorités militaires prennent des mesures pour empêcher les correspondants étrangers d'assister à leurs exercices & leurs expériences de tirs. Des rapports secrets circulent & surprennent par leur précision, comme lorsque l'ambassade de France intercepte une lettre indiquant que des visiteurs ont eu tout le loisir d'observer les fantassins en train de s'exercer au maniement du nouveau fusil à magasin. Les détails ne manquent point, puisque le rapport poursuit en signalant que ces fusils contiennent neuf cartouches & que des soldats ont expliqué que c'était une arme très commode & même moins lourde que le Chassepot. Alors que tout le monde a l'air de pressentir la guerre, en Italie, des arrestations importantes ont été opérées depuis deux jours sur les ordres de la haute cour. Parmi les suspects, Monsieur Massimiliano Reichert, sous-intendant militaire, détaché au Ministère de la Guerre, a été écroué à la prison militaire de Naples, après un long interrogatoire qui a duré jusque minuit. A Constantinople, une dame russe qui posait visiblement trop de questions a été privée de liberté. La pauvre, pâle d'émotion, a déclaré ensuite à son ambassade que son témoignage avait été extorqué par des promesses fallacieuses. Il semble se dessiner un triangle curieux entre la Russie, l'Italie & l'Empire Ottoman, où tous les coups sont permis. Et au milieu de ce triangle, c'est l'Autriche qui trinque.

- Apaisement au Panama -

A Paris, il n'y a pas que l'Exposition Universelle comme sujet de débat sur les boulevards ou aux terrasses des cafés. Les journaux s'entichent de savoir tout ce qu'il advient de l'affaire Panama. L'on sait dès à présent que le chantier du percement de l'isthme a pu reprendre, lorsque l'armée française s'est enfin déployée dans la région, avec un blanc-seing du gouvernement des Etats-Unis de Colombie. Immédiatement débarquées à Portobello les divisions d'infanterie du vice-amiral Abel Bergasse du petit Thouars ont rapidement agi pour nettoyer les abords de la large tranchée & ont rejoint la bourgade de Panama. Là, la soldatesque ne s'est pas fait prier pour capturer les malfaiteurs & procéder à leurs auditions musclées. La France peut commencer à faire la danse des sept voiles dans l'enquête interminable du sabotage du canal.

- Croissance démographique -

En France, la ville de Flaubert & de Maupassant profite de sa prospérité pour devenir une ville majeure de la République. Le développement de Rouen, dont la cathédrale est la plus haute de France symbolise la bonne gestion & l'essor inexorable de la République. Reliés de surcroît par une ligne directe vers Paris, nombreux seront ceux qui pourront admirer le gros horloge du beffroi.

La belle Lübeck devient majeure. L'ancien port médiéval de la Hanse reçoit les crédits pour s'épanouir & devenir la perle de la Baltique. Les Néerlandais transforment la bourgade de Rangoon en une grande cité, tandis que le Prince Ito Hirobumi, Premier ministre de l'Empereur du Japon, se rend à Hiroshima après les grands travaux entrepris pour faire de cette ville une grande cité. 

- Trieste en ébullition -

Il ne restait que Trieste comme lugubre endroit où la maréchaussée n'avait pas daigné montrer le bout de son nez. Le grand port autrichien était paralysé depuis maintenant six mois. Les autorités n'ayant toujours pas réagi - c'est incroyable ! - la ville attire tous les patriotes pro-italiens & les révolutionnaires, qui instaurent aussitôt un climat d'exclusion & exigent que les grands d'Europe accordent à la ville le titre de port franc.

Ailleurs, les mécontents réussissent à apparaitre inopinément, parfois loin des sentiers battus. Par exemple à Astrakhan, près de la Mer Caspienne, tenue par les Russes, mais dont personne ne se plaint jamais. Or, ce printemps, quelques séditieux demandent l'aide aux Cosaques du Terek au Daghestan, afin de chasser le gouverneur russe. L'armée est souhaitée dans le plus bref délai. Les cochers de Saint-Pétersbourg, qui avaient manifesté l'intention de se mettre en grève, n'ont pas persisté dans cette résolution. Après le défilé matinal de la fanfare de la garnison impériale, la plupart des postillons sont remontés sur leur siège & les rues de la capitale impériale ont repris leur physionomie habituelle.

Au Japon, c'est à Kobe que la patrouille va devoir mâter les grévistes de l'usine sidérurgique Mitsui.

- Grandes réalisations -

Les Britanniques terminent l'édification de la fantastique gare Victoria à Bombay. Cette station, aussi majestueuse qu'un palais, est le terminus de la ligne Amritsar, Delhi, Jaïpur, Ahmedabad, Surate, Bombay.

Cette performance trouve un écho plus impressionnant encore en Allemagne & partout où le Reich décide de construire. D'abord, Lübeck est reliée à Berlin & Stettin. De là, une autre ligne rejoint Königsberg. Les ouvriers travaillent ensuite au raccourci de Dresde à Breslau. L'Allemagne a le réseau le plus dense du monde. Elle poursuit son oeuvre en Russie en reliant Ekaterinoslav à Krivoï Rog & Sébastopol. Et même dans ses colonies l'Allemagne fait progresser sa ligne sahélienne du Dahomey à Ouagadougou, puis se divise en deux voies jusqu'à la frontière malienne & le fleuve Niger.

En France métropolitaine, une jonction est réalisée en Suisse depuis Besançon avec la ligne internationale de Berne à Vienne. Le Président Sadi Carnot accueille à la gare de Lyon & en grandes pompes l'Empereur François-Joseph & le Sultan Abdul-Hamid II, afin d'inaugurer la nouvelle ligne de l'Orient Express, de Paris à Istanbul. Dans la capitale française pavoisée aux couleurs des trois nations, les dirigeants ont droit à une ovation par la foule parisienne en liesse, lors de la remontée par les Champs Elysées. Lors du fastueux diner donné au Palais de l'Elysée, l'art du chef Auguste Escoffier émerveille les papilles des invités prestigieux. Pendant ce temps, dans ses colonies nord-africaines, la République poursuit la voie d'Oran jusque Fès.

Malgré l'énorme chaine de montagnes qui barre la région, les Mexicains parviennent à ouvrir une nouvelle voie ferrée entre la capitale & le bourg de Salina Cruz. De l'autre côté du Golfe du Mexique, l'île de Cuba  voit sa première ligne établie entre La Havane & Santiago.

Dans l'Empire Céleste, la modernisation commence à faire ses effets. La grande ville de Nankin, considérée comme la capitale historique du Sud, est enfin reliée par le chemin de fer depuis Tcheng-Tchéou. Le gouverneur de la province du Jiangsu est venu avec tous les dignitaires de la ville pour saluer ce témoin du progrès. 

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La compagnie japonaise de navigation Toyo Kisen KK (Kabushiki Kaisha) veut redevenir la meilleure & ne lésine point sur les crédits pour écraser la concurrence. Ce n'est certainement pas la compagnie de l'Etoile Blanche du Sultan qui oserait contesté cette hégémonie. Néanmoins, les Turcs lancent de nouveaux steamers pour relier Karachi & Masqate. 

- Consortiums actuels -

A Vienne, dans l'empire austro-hongrois, Albert Salomon von Rothschild, homme bien connu de la population pour son rôle financier, son mécénat dans les tournois d'échecs & sa passion pour les jeunes danseuses de l'opéra, a été désigné comme nouvel actionnaire principal du consortium bancaire Crediet Anstalt Bankverein. Les financiers viennois font coup double en mettant la main sur le consortium alimentaire d'Abyssinie.

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Alimentaire : Abyssinie (AUTRICHE), Argentine, Ceylan (ROYAUME UNI), CHINE, ITALIE, MEXIQUE, TURQUIE.

Armement : AUTRICHE, BELGIQUE, CHINE, ESPAGNE, FRANCE, ROYAUME UNI, Suède.

Banque : AUTRICHE, FRANCE, JAPON, ROYAUME UNI, Suisse.

Chantier naval : BELGIQUE, ESPAGNE, Grèce, JAPON, ROYAUME UNI.

Charbonnage : ALLEMAGNE, ETATS-UNIS, Mandchourie (CHINE), Mozambique (Transvaal).

Chimie : ALLEMAGNE, JAPON, Norvège, ROYAUME UNI.

Gisements : Brésil, Congo (BELGIQUE), Etats Malais (PAYS-BAS), Matebeleland (ROYAUME UNI), Nigeria (ALLEMAGNE), RUSSIE.

Machines outils : Danemark, ITALIE, JAPON, PAYS-BAS, RUSSIE.

Mines : Australie, Côte d'Or (ESPAGNE), Katanga (BELGIQUE), MEXIQUE, RUSSIE, Transvaal.

Pétrole : Azerbaïdjan (RUSSIE), Birmanie (PAYS-BAS), ETATS-UNIS, Roumanie, Sumatra (PAYS-BAS).

Sidérurgie : BELGIQUE, ESPAGNE, JAPON, MEXIQUE.

Tabac : Barbade (ROYAUME UNI), Cuba, JAPON, MEXIQUE, Nicaragua, TURQUIE.

Textile : AUTRICHE, BELGIQUE, Corée (JAPON), Egypte (TURQUIE), Gujarat (ROYAUME UNI), Maroc (FRANCE), Pendjab.

Verrerie : AUTRICHE, BELGIQUE, Canada, CHINE, FRANCE, Perse.

DATE LIMITE DE L'ETE 1888 : VENDREDI 17 NOVEMBRE