LES HEURES SOMBRES

Nous avons la bonne fortune de donner des nouvelles complètes des activités internationales qui ont clôturé l'année 1888 & entamé la suivante. Les soubresauts nombreux des chancelleries indiquent que les méfaits de certains sont circonscrits par les administrations les mieux organisées. L'affaire la plus grave demeure l'assassinat du Prince héritier de la dynastie Habsbourg &, bien que s'imposant au frontispice des discussions engagées depuis l'événement dans les cercles de pouvoir, les recherches actuelles n'ont pas encore démêlé les noeuds de la terrible tragédie. 

- Préparatifs de l'Exposition Universelle -

Monsieur Eiffel peut se promener sur les rives de la Seine & contempler le gigantisme de sa tour métallique, pratiquement achevée pour l'Exposition de Paris du printemps prochain. Il ne manque que le campanile du troisième étage & les ascenseurs que l'ingénieur promet d'installer dans les prochaines semaines. Mais certaines attractions, en plus des pavillons des grandes nations, sont particulièrement attendues. On cite un palais du cinématographe, des sites coloniaux reconstitués pour montrer l'aspect exotique des possessions lointaines & surtout quelques exploits techniques qui vaudront le déplacement. Monsieur Adolphe Alfand, directeur général de l'organisation, précise que les investissements des puissances ayant eu le souhait de construire un pavillon sont étourdissants. Le nombre de visiteurs devrait largement dépasser les seize millions, nombre qui est actuellement le record d'affluence. Record qui est détenu justement par la ville de Paris, lors de l'événement de 1878, dont le palais du Trocadero est le dernier témoignage. 

- Funérailles de l'Archiduc Rodolphe -

La vérité sur la mort du Prince héritier n'est toujours pas connue, mais inspire des réflexions bien tristes & s'oriente vers la conclusion d'un véritable guet-apens, un assassinat prémédité & organisé par des agents allochtones & sans scrupule. Quelques ambassadeurs, parlant de la mort de l'Archiduc Rodolphe, croient voir dans cet événement une corrélation mystérieuse. Quel est cet assassin ou quelle est la main qui a armé ces sicaires ? On murmure un nom tout bas & les gens bien informés affirment que l'affaire sera résolue à la seule condition d'unir les services de renseignements de plusieurs puissances. Dans les villes, des messes sont célébrées &, depuis le palais impérial, une semaine de deuil national a été décrété. Les forces armées & la police sont remarquables d'efficacité & de discrétion. Le site de Mayerling est, évidemment, devenu interdit aux curieux.

- Le monde compatissant -

Un nombre magnifique de personnalités royales se sont déplacées en Autriche-Hongrie pour soutenir la famille Habsbourg dans l'épreuve. Le Sultan Abdul-Hamid II, accompagné de sa splendide femme, la très peinée Biydar, est le premier à venir à Vienne pour réconforter l'Empereur François-Joseph & l'Impératrice Sissi. Rappelant qu'ils étaient très proches durant leur enfance, le Kaiser Guillaume de Hohenzollern est évidemment attendu. On sait qu'avant de prendre son train pour Vienne, l'Empereur d'Allemagne a décrété un temps de deuil & exigé que tous les drapeaux soient mis en berne. On aperçoit à la cérémonie officielle beaucoup d'autres têtes couronnées. D'abord le Roi des Belges Léopold II, qui est pourtant dans la délicate position du père de la Princesse Stéphanie, l'épouse du Prince Rodolphe. Le Roi d'Italie Umberto est lui aussi présent aux funérailles. On y remarque encore le Roi Alphonse XII d'Espagne. Le Président de la République, Monsieur Sadi Carnot, empreint d'une grande sobriété, a tenu lui aussi à venir sur les bords du beau Danube bleu porter les lettres de condoléances de la France. Même une représentation nipponne ainsi qu'un délégation chinoise ont fait le voyage. Après ces visites, l'Autriche-Hongrie a annoncé fermer ses frontières, afin de faire toute la lumière sur ce sombre drame.

- Le dessous des cartes -

La recherche de la vérité devient une obsession pour de nombreuses chambres & de nombreux gouvernements. L'affaire Panama n'a pas encore atteint son épilogue. L'accident de l'Orient-Express reste une énigme, bien que la majorité des enquêteurs axent leurs recherches sur un attentat & non point un banal déraillement. La disparition d'explorateurs, l'arrestation de voyageurs, le rançonnement d'industriels importants, la perquisition de navires transportant des armes de contrebande sont autant de tracas internationaux. Le tourbillon d'intrigues & les palinodies des esprits les plus retords donnent le tournis. Mais, au milieu de ce carrousel infernal, on trouve de belles âmes qui agissent pour un apaisement général. Ainsi, les autorités autrichiennes remettent aux Russes les marins du bateau intercepté en Mer Rouge & qui devait livrer des armes au Négus. Ces hommes arrivent à Odessa sains & saufs.

- Avènement de la Reine Wilhelmine -

Malade depuis des mois, Wilhelm III des Pays-Bas empêchait la bonne gouvernance de la nation & lestait les projets des plus dynamiques entrepreneurs néerlandais. S'éteignant discrètement au palais de Het Loo, à Apeldoorn, le vieux Roi cyclothymique laisse le trône à sa fille, la douce Princesse Wilhelmine d'Orange-Nassau (qui va sur ses neuf ans) & la régence à sa seconde épouse Emma de Waldeck-Pymont, une dame d'une grande droiture. Cette dernière nomme aussitôt Aeneas Mackay, leader du parti antirévolutionnaire, président du Conseil des ministres. Nos lecteurs sont invités à aller regarder les nouveaux contacts de l'ambassade néerlandaise, qui nous a déjà garanti une assiduité exemplaire. Un voyageur revenant d'Amsterdam, le professeur Neugierig de Wesel, fait remarquer bien à propos la tournure du pouvoir aux Pays-Bas, monopolisé céans par ces dames. Les très tolérants Hollandais sont immédiatement conquis & surnomment déjà leur souveraine "la petite Reine". Qu'elle adore les chevaux & surtout la bicyclette, il n'en fallait guère plus pour que cette dernière reçoive cette désignation métaphorique. Longue vie à la Reine Wilhelmine.

- Agacement américain -

De l'autre côté de l'Atlantique, Monsieur Grover Cleveland vient de taper très fort du poing sur la table, après avoir lu dans la presse le ramassis de mensonges & les élucubrations de quelques éditorialistes corrompus. La réélection du Président renforce l'administration & c'est pourquoi les Etats-Unis durcissent le ton avec les nations les moins respectueuses de la politique américaine. D'abord, l'Italie est mise au ban, une bonne fois pour toutes. L'ambassadeur américain à Rome, Monsieur John Stallo, est rappelé & quitte la péninsule le 31 décembre. L'ambassade ferme ses portes & reçoit l'ordre d'emporter ses archives ou de les brûler sur place. Le même jour, de l'autre côté de l'Atlantique, les Sénateurs de l'Etat de Virginie & du Connecticut quittent le Congrès où se tenait une séance extraordinaire après le vote du Sénat avalisant la rupture diplomatique. Ils se rendent à l'ambassade d'Italie & remettent au résident, le Baron Saverio Fava, un ordre de quitter le territoire dans les vingt-quatre heures. Le soir même, escorté par un bataillon de Marines jusque Baltimore, le diplomate est vivement invité à s'embarquer sur le premier vapeur en partance pour l'Italie. Mais, si l'ambassade est scellée de la sorte, Washington insiste pour que les consulats restent ouverts, afin de garantir aux Italo-américains les droits qui leurs sont dus.

Ensuite, le Président Cleveland convoque à la Maison Blanche l'ambassadeur de France, Monsieur Théodore Roustan, pour venir expliquer les agissements inattendus d'une puissance comme la République Française en Amérique Centrale. Le Salvador n'est certes pas un vulgaire pays que l'on peut se permettre de coloniser, mais une république libre. La France doit répondre de ses actes, faute de quoi, les relations diplomatiques seront rompues, avec toutes les conséquences que cela implique. L'ire américaine trouve un écho immédiat au Mexique, qui déclare : "le continent américain est neutre & notre devoir est de le protéger. La France doit retirer ses troupes, car leur présence est une offense pour notre peuple. Tenez-le pour dit".  

Enfin, le Transvaal est officiellement déclaré comme une république-soeur. En conséquence, toute attaque sur son sol sera considéré par Washington comme une agression directe contre les Etats-Unis.

- La surprise de Reykjavik -

Emergeant de la brume, le cuirassé Re Umberto est aperçu par quelques pécheurs à la recherche de l'escadre du contre-amiral Felice Napoleone Canevaro, à laquelle il se joint. Tout se passe bien à bord, jusqu'à ce que la puissante force navale italienne s'approche de la bordure de l'arc polaire des eaux islandaises & entre dans la faible lueur de la rade du port de Reykjavik. Cette apparition fait forte impression & le débarquement du corps d'Infanterie de marine est suivi par le regard médusé des habitants du coin. Les soldats déploient leur bannière & signalent aux Islandais qu'ils sont désormais les sujets du Roi d'Italie. Cette opération qualifiée d'extravagante par la presse danoise nous dispense de tout commentaire. Mais les Danois n'en démordent pas. Selon leurs journaux, les pertes italiennes ont été importantes &, parmi les morts abandonnés sur le lieu des combats, se trouveraient deux officiers à quatre galons. Les braves Islandais se seraient même emparés de trois canons & auraient poursuivis les Italiens jusqu'au rivage, coulant plusieurs chaloupes envoyées de l'escadre pour les récupérer. Nous sommes autorisés à donner à cette assertion le démenti le plus formel & à déclarer que le contre-amiral Canevaro, dans ses dépêches, tient un langage absolument différent. Pas un coup de feu n'aurait été tiré !

- Les Russes à Kaboul -

Nous lisons dans le Kiewskoyé Slavo, le plus important organe de la Russie méridionale, la publication de nombreux télégrammes sur les progrès des troupes du Tsar dans l'Afghanistan. Le général Krasnov a lancé toutes ses forces sur Kaboul. Là, les indigènes font le dos rond. Trois régiments venus de Kohistan & qui n'avaient été encore engagés dans aucune affaire, les débris de l'armée battue au Salang & une grande partie de la population de Kaboul, défendent des positions fortement retranchées, situées sur de hautes montagnes qui entourent la ville. L'engagement initial s'est borné à un combat d'artillerie. La chute du jour n'a pas permis à l'infanterie d'attaquer, mais la fusillade a continué dans les ténèbres avec une grande intensité. Le temps joue pour les Russes, car de tous les côtés, les colonnes de cavalerie s'avancent pour appuyer l'infanterie exténuée qui part à l'assaut & prend un à un les hameaux & les fortins. A l'occasion de l'entrée solennelle des Russes dans Kaboul, le général Krasnov félicite les soldats de leur entrain & adresse un discours à la populace qui entoure le palais de l'Emir. Chaque phrase est traduite par un interprète, d'abord en langue afghane, puis en persan. Il déclare que les combats sont maintenant terminés, que le pays doit accepter sa défaite & que tous ceux qui possèdent des armes sont sommés de les livrer. Au bout de huit jours, tout individu arrêté avec une arme est mis à mort. Les Russes ne sont toutefois pas des brutes sans âme. A l'instar de leur commandant, l'érudit général Nikolaï Krasnov, les officiers les mieux notés ont pu visiter l'impressionnant site des trois Bouddhas géants de la vallée de Bamiyân, sculptés dans une falaise de grès, percée d'une myriade de grottes pour les moines. Selon leurs témoignages, "malgré les dégradations du temps & des hommes, un Européen ne peut qu'être émerveillé par ce spectacle grandiose".  

- Les Autrichiens s'enhardissent -

Fermement établis en Ethiopie, les Autrichiens s'activent désormais dans la Corne de l'Afrique & revendiquent les succès suivants. Le mois de janvier est utilisé par le Comte von Teschen à la tête de deux colonnes pour attaquer des ouvrages fortifiés établis près de Gabiley & Hargeysa, dans le Somaliland. Pendant que l'efficace artillerie de la marine autrichienne dissuade quiconque de venir trainer près des rivages, l'armée a pu progresser depuis Harar, par les Monts Ogo. Les hommes habiles & rompus du corps expéditionnaire autrichien écrasent tout sur leur passage. Les pertes de l'adversaire sont sérieuses, ses retranchements sont démolis & ses cantonnements brûlés. Les Autrichiens ne comptent que trois hommes légèrement blessés, ce qui indique la bonne tenue au combat des troupes de l'Empereur François-Joseph. Ce qui rappelle aussi l'anormale durée de la campagne contre le Négus, qui n'a pu retenir une telle armée qu'avec des moyens extérieurs pléthoriques. Berbera, la capitale du district, n'est plus très loin.

- Retournement de situation -

Au Mozambique, l'espoir change de camp, le combat change d'âme. Le général Antonio Baldissera, le nouvel héros italien, a adressé un rapport résumant les opérations qui ont eu lieu cette saison depuis la ville de Beira. Le général fait un récit succinct des manoeuvres accomplies par ses troupes & raconte en détail le brillant combat du 2 février, pendant lequel les Bersagliers ont pris l'initiative contre les Boers. Ce n'est point une reconnaissance, mais un puissant coup de butoir destiné à enfoncer les lignes de défenses organisées par l'adversaire, au-devant de ses frontières, le long du méandreux fleuve Limpopo, dont le nom signifie le "fleuve des crocodiles", certains seront heureux de le savoir. Les bataillons italiens, déterminés & animés par l'euphorie de la victoire, ont sans pitié bouté les Boers & les ont obligé à décamper loin de là. De l'autre côté du front, Baldissera a pensé à faire main basse sur le charbonnage de Moatize, que les Boers avaient effrontément occupé il y a trois saisons. Le territoire du Mozambique est donc totalement libéré & des pourparlers de paix peuvent s'envisager sérieusement. 

- Ca va mal finir ! -

Nous n'en sommes plus aux préliminaires entre l'Italie & les Etats-Unis d'Amérique, qui se cherchent, s'observent & se défient depuis des mois, voire des années. Cet hiver, alors que certains chanceux avaient l'occasion de visiter les chaleureuses îles des Antilles, le commodore William Sampson, professeur à l'Académie navale d'Annapolis, a été placé à la tête de la troisième escadre américaine. Ceci, pour déployer des trésors d'ingéniosité, afin de barrer le passage à l'escadre italienne en approche des Caraïbes. Pour cela, le commodore a dispersé ses vaisseaux & a déployé des ballons dirigeables équipés de nacelles pour y loger des vigies. L'opération est un succès au niveau de l'organisation, mais l'escadre italienne voguant cinq cents kilomètres plus au Sud-est, il n'a pas été possible de l'apercevoir, encore moins de l'intercepter.

- Internationale ouvrière & autres revendications -

C'est fête cejourd'hui à Paris. L'Internationale socialiste voit la jour à l'initiative de sociologues & de philosophes, tel le prussien Friedrich Engels. Se fondant sur le constat de la lutte de classe, cette association ouvrière milite pour un monde plus juste & de meilleures conditions de travail. Voyant l'humanité en bien, tous ces braves gens veulent traduire les émotions qui agitent la grande masse des travailleurs.

Les dockers de New York qui étaient en grève, soutenus par les habitants du Sud de Manhattan majoritairement originaires d'Italie, ont été renvoyés dans leurs masures par l'armée. Acapulco au Mexique est pacifiée par l'apparition de la soldatesque du Président Porfirio Diaz. Au Japon, c'est près de Shimonoseki que des centaines de paysans affamés étaient descendus de la montagne pour piller le grand marché de la ville. Ils se sont heurtés aux troupes du deuxième corps du Comte Yamagata Aritomo. Notons qu'il fait ici un temps de printemps. Les Chinois & les Japonais ont déployé d'immenses moyens maritimes pour chasser l'insupportable piraterie qui sévit dans leur secteur. Enfin, l'occupation de l'usine Phillips d'Eindhoven aux Pays-Bas n'est plus qu'un mauvais souvenir, les ouvriers ayant été invités à célébrer dans une fête bien arrosée l'avènement de leur nouvelle souveraine.

- La marine française à la manoeuvre -

A l'entrée atlantique du canal de Panama, les Français ont été bien inspirés de faire patrouiller une de leurs escadres. Car, au lieu de réaliser quelques exercices de tirs & contrôler les diverses embarcations, il a fallu empêcher un capitaine à l'esprit dérangé de venir s'échouer dans le tout nouvel ouvrage. Les artilleurs de la marine, après plusieurs coups de semonce, ont envoyé le pitoyable rafiot malintentionné par le fond. Cette préface bruyante laisse fâcheusement augurer de la reprise de forfaits malhonnêtes contre le canal. Mais, on le voit, la France veille jalousement sur cette voie stratégique.

- Création d'académies & d'écoles militaires -

Le Tsar de la Sainte Russie s'intéresse de plus en plus à tout ce qui touche l'armée. En conséquence, Sa Majesté Alexandre III vient inaugurer la nouvelle Académie militaire pour la formation d'inspecteurs & de sous-officiers capables, dans la ville de Novgorod aux murailles séculaires. Pourtant, nous allons le voir plus bas, la Russie ne dirige plus la plus grande armée du monde. Elle a cédé la place à une puissance inattendue. L'Allemagne bâtit aussi des écoles militaires & se lance dans de coûteuses recherches afin d'avoir une artillerie plus performante. Quant aux Etats-Unis, ils ébauchent de nouvelles tactiques, dans l'idée de rendre leur marine plus efficiente.

- Compagnies maritimes & ferroviaires -

A Anvers, l'effervescence des grands jours était palpable lorsque la calèche de Sa Majesté Léopold II, entourée d'un régiment de Lanciers, est arrivée au bord de la darse principale dédiée au trafic maritime des passagers. En effet, la Belgique se lance enfin dans le transport interocéanique en créant la Société Anvers-Boma de l'Exploitation de la Navigation Atlantique, abrégée en Sabena, afin de relier la métropole aux terres lointaines de l'Etat Indépendant du Congo. De leurs côtés, les Japonais ne cessent d'injecter de l'argent, afin de conserver leur supériorité maritime. 

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Seuls les Britanniques poursuivent les travaux ferroviaires dans leur immense territoire colonial, aussi bien asiatique qu'africain. Ainsi, la ligne de Durban est prolongée vers Port Elisabeth & Le Cap, pendant que le rail indien est développé à l'intérieur du sous-continent depuis Delhi jusque Nagpur.

- Bourse -

La saison d'hiver implique de dresser les bilans de l'année écoulée & de suivre les évolutions des sociétés cotées en bourse. Et, justement, cette année, il y a d'évidents changements. L'Allemagne qui régnait outrageusement doit céder la place sur quelques podiums à de nouvelles nations, de plus en plus entreprenantes.

A la lumière de ce tableau boursier, on repère la bonne conduite des affaires par les Américains, dont le président de la première société pétrolière, Monsieur John D. Rockefeller devient aussi riche que Monsieur Böttinger, le directeur de l'usine Bayer. Mais les Etats-Unis ne sont pas les seuls à placer deux manufactures parmi les meilleures. La France, l'Italie & la Russie deviennent aussi performantes que l'Allemagne.

La plus grande surprise vient de la comparaison des forces militaires. Pour la première fois, la Grande Bretagne est à la tête de la plus grande armée du monde... mais pour la première fois, elle perd son hégémonie navale, au dépens de la marine japonaise. Les officiers ont dû relire deux fois leurs chiffres & ont immanquablement demandé la confirmation de cette information totalement inédite. Quant à Lord Beresford, chef de l'Amirauté britannique, on dit qu'il est tombé de son fauteuil en apprenant cela !

- Liste des Consortiums -

C'est encore dans le pays du Roi des Belges que les journalistes ont le plus voyagé pour aller écrire un papier sur l'inauguration des nouvelles entreprises nationales. C'est d'abord la Manufacture de Tabac de la Semois ; c'est ensuite la Compagnie financière des Pétroles. Avec ces deux nouveaux fleurons de l'industrie, la Belgique devient la puissance la plus développée du monde, avec onze consortiums. Pourtant, aucune entreprise belge ne figure au sommet des tableaux de la Bourse, ce qui est un indice d'une production fortement centrée sur les besoins nationaux & donc peu portée sur les ventes à l'étranger. 

La Russie stimule son économie en créant une nouvelle manufacture à Toula, au Sud de Moscou. Son nom : la fabrique Mosin-Nagant, du nom de ses concepteurs, le capitaine Sergueï Mossine & le notoire industriel liégeois Léon Nagant.

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Alimentaire : Abyssinie (AUTRICHE), Argentine, Ceylan (ROYAUME UNI), CHINE, ITALIE, MEXIQUE, TURQUIE.

Armement : ALLEMAGNE, AUTRICHE, BELGIQUE, CHINE, ESPAGNE, FRANCE, ROYAUME UNI, RUSSIE, Suède.

Banque : AUTRICHE, BELGIQUE, FRANCE, JAPON, ROYAUME UNI, Suisse.

Chantier naval : BELGIQUE, ESPAGNE, Grèce, JAPON, ROYAUME UNI.

Charbonnage : ALLEMAGNE, BELGIQUE, ETATS-UNIS, Mandchourie (CHINE), Mozambique (ITALIE).

Chimie : ALLEMAGNE, JAPON, Norvège, ROYAUME UNI.

Gisements : Brésil, Congo (BELGIQUE), Etats Malais (PAYS-BAS), Matebeleland (ROYAUME UNI), Nigeria (ALLEMAGNE), RUSSIE.

Machines outils : Danemark, ITALIE, JAPON, PAYS-BAS, RUSSIE.

Mines : Australie, Côte d'Or (ESPAGNE), Katanga (BELGIQUE), MEXIQUE, RUSSIE, Transvaal.

Pétrole : Azerbaïdjan (RUSSIE), BELGIQUE, Birmanie (PAYS-BAS), ETATS-UNIS, Roumanie, Sumatra (PAYS-BAS).

Sidérurgie : BELGIQUE, ESPAGNE, JAPON, MEXIQUE.

Tabac : Barbade (ROYAUME UNI), BELGIQUE, Cuba (ESPAGNE), JAPON, MEXIQUE, Nicaragua, TURQUIE.

Textile : AUTRICHE, BELGIQUE, Corée (JAPON), Egypte (TURQUIE), Gujarat (ROYAUME UNI), Maroc (FRANCE), Pendjab (ROYAUME UNI).

Verrerie : AUTRICHE, BELGIQUE, Canada, CHINE, FRANCE, Perse.

DATE LIMITE DU PRINTEMPS 1889 : VENDREDI 16 FEVRIER