LE TEMPS DES LACHES

C'est toujours un bain de jouvence que de vivre une aventure. Les officiers se sentent ragaillardis & s'enthousiasment des opérations de grandes envergures. Mais dans les sphères du pouvoir, dans les cercles de la politique, dans les décisions des hommes d'Etat, ceux-là même qui déterminent le destin des peuples, que de mensonges, que de lâcheté & que d'indignité ! Cet hiver sacre le triomphe de la couardise, de la duperie & de l'ignominie. Comment en est-on arrivé là ?

- Le front de Galicie est renversé -

N'était le grondement ininterrompu des grosses pièces qui, comme disent les hommes, s'expliquent de ligne à ligne, cette région de Galicie offrirait le spectacle le plus réjouissant qu'on puisse imaginer. Les branches des pins ondulent dans la caresse du vent & le ciel est serein. Mais voilà que sonne le clairon. Les Autrichiens, encouragés par leur bonne tenue au combat de l'automne, lancent la contre-offensive. La guerre sur le front de Galicie montre deux belligérants aussi bien préparés l'un que l'autre. Chacun découvre que les divisions sont disciplinées & bien fournies en armes. Mais la ferveur des Autrichiens emporte tout sur leur passage. Cracovie est sécurisé, Tarnopol devient le cimetière de l'armée russe & la percée est réalisée à Lublin. On ne peut plus en douter, les Autrichiens entament victorieusement leur marche en Pologne. Ils veulent tenir leur parole ; ils veulent que la Vistule serve d'abreuvoir à leurs chevaux. Car, au-delà de la Galicie, le drame naît, se développe & trouve sa victime.

- Les Russes doivent maintenant se défendre -

L'offensive étant bien engagée, l'armée italienne jette dans la percée une force considérable, commandée par le général Tancredi Saletta, considéré comme le meilleur officier sorti de l'Académie militaire. La grande ville de Varsovie est en ligne de mire, les unités russes sont en pleine déroute & l'onde de choc dans la presse est immense. Toutefois, l'état-major soutient que, sous le rapport de force, de la santé physique, de l'endurance & du courage personnel, le soldat du Tsar peut soutenir la comparaison avec les soldats de tous les pays. On admet juste qu'il s'habitue peu ou difficilement aux exigences de l'obéissance, lorsque l'ennemi déterminé prend l'ascendant. Dans la neige des plaines, comme dans les forêts polonaises, les escadrons de cosaques chargent l'ennemi pour l'empêcher de déborder les positions & laisser l'infanterie battre en retraite. Les Autrichiens & les Italiens, poussent leur avantage au-delà de Cracovie, mais n'arrivent pas à prendre Varsovie. C'est à Lublin que l'Autriche tient sa grande victoire. Les deux armées du Comte Friedrich von Berg-Rzykowski bousculent les Russes à l'Ouest de Lemberg & franchissent la frontière pour s'emparer de Lublin. La troisième armée russe est détruite. Toutes les autres unités se mettent à prier.

-  Le pilier de Tarnopol -

Que d'héroïsme s'est dépensé sur la terre qui entoure la petite ville de Tarnopol, depuis le jour de la première attaque. Mais Le Tsar en veut plus. Il ordonne à son état-major de tenir à tout prix le coin oriental du front, avec un esprit de ténacité, voire de sacrifice. Le 11 janvier, dès le matin, l'ennemi prononce un vigoureux retour offensif sur les positions conquises la veille par les troupes russes. Mais, reçus à courte distance par l'artillerie & l'infanterie de la Garde du général Alexeï Broussilov, les assaillants réduits à se replier abandonnent un grand nombre de morts sur le terrain. Deux jours plus tard, une nouvelle vague d'assaut austro-italienne vient se briser sur les défenses russes. On annonce que ces derniers ont essuyé, dans le secteur de Tarnopol, plusieurs défaites & ont été rejetés à cinquante kilomètres de la ville. Mais il n'en est rien. Le Grand Duc Vladimir continue d'engouffrer tout ce qui lui reste pour tenir le secteur. Il doit tenir. Jusqu'à la relève du printemps. Et soudain, alors qu'il ne neige plus, les Russes poussent une clameur immense. L'hiver touche à sa fin, Tarnopol a résisté & les renforts sont là. Et quand on parle de renforts, pour le Tsar il ne s'agit pas de deux ou trois corps d'armée. La Russie s'appuie sur l'infinité de son réservoir humain, les usines tournent à plein régime, les hôpitaux sont efficaces, le quartier général se réorganise. Une incroyable mobilisation parvient à faire venir sur le front cinq nouvelles armées. Comme le disait Victor Hugo, l'espoir va changer de camp, le combat va changer d'âme.

- La marine du Tsar aux abois -

Sur mer, les Russes sont désespérés de ne pas engager l'ennemi. La marine autrichienne s'est défilée avec trop de facilité & le contre-amiral Zinovi Rojestvenski bat la Méditerranée orientale en tout sens, guette tous les navires qu'il croise, interrompt le trafic marchand, déploie trois escadres. Rien n'y fait ! Le Tsar se rassure, car la nation qu'il gouverne occupe une situation éminente & a foi en elle-même. Mais c'est tout de même curieux d'observer la stratégie navale russe, qui consiste à regrouper les trois flottes au même endroit & les envoyer par la canal de Suez - ouvert juste quelques jours - pour courir après l'escadre autrichienne qui traine en Mer Rouge.

♦

Profitant de l'absence complète des marines du Sultan & du Tsar en Mer Egée, puis en Mer Noire, les Italiens lancent l'opération Hercule, violent les eaux turques, forcent le Bosphore & débarquent le sixième corps à Batoum. Cette unité de Chasseurs marche ensuite crânement vers Tiflis, mais se heurte à une garnison solide. Le colonel Vittorio Dabormida obtient finalement la reddition de la garnison & peut hisser les couleurs italiennes sur la plus haute tour de la capitale de la Géorgie transcaucasienne. Avec cette manoeuvre peu académique, les Italiens privent les Russes des revenus de cette ville, se gaussent d'obtenir une nouvelle victoire, mais ont ouvertement mépriser le droit ottoman, risquant de se mettre le Sultan de Constantinople à dos. L'Empire Ottoman est, de fait, l'une des puissances les plus courtisées dans la région & il apparait très maladroit de le pousser dans les bras de son ennemi. A suivre...

- Les Américains agitent la Sardaigne -

A Cagliari, paisible ville de la Sardaigne méridionale, les soldats du cinquième corps d'Infanterie légère du général Joseph Wheeler, un Sudiste surnommé "Fighting Joe" par ses hommes, ont progressé depuis les installations portuaires. La ville, encore fumante suite aux bombardements intenses des pièces de marine, tombe rapidement, aucune division italienne n'ayant jamais été affectée à la défense de l'île. Les Américains utilisent ce fait pour demander à la population de se soulever contre l'autorité italienne & de proclamer l'indépendance de la République garibaldienne de Sardaigne.

- Une guerre n'aura pas lieu -

Dans la salle d'audience purpurine du palais impérial de Tokyo, les ministres & les ambassadeurs n'ont cessé d'affluer. Les Hollandais, loin de penser à la rapacité des hordes de brutes à peau jaune qui s'apprêtaient à les spolier en Extrême-Orient, ont réussi à entamer un marathon diplomatique avec le Japon, obtenant un dégel des relations entre les nations. Le traité de paix, obtenu en un temps record, a la couleur de la pluie & augure de tergiversations plus sombres encore. Car, pour obtenir les faveurs de Tokyo & de Pékin, le quidam hollandais découvre, horrifié, que son  propre gouvernement n'a guère été plus courageux que celui de Madrid, puisque la cité de Batavia - néerlandaise depuis 1619 - a été cédée en bail au Japon pour cent ans & que la ville de Singapour - acquise récemment de dure lutte - devient chinoise. Les héros de la Compagnie Néerlandaise des Indes doivent se retourner dans leur tombe. Entre la guerre & le déshonneur, le Roi Charles-Auguste a choisi le déshonneur. Et il va avoir la guerre. A Amsterdam, on est sidéré !

♦

La Sainte Russie ne cache pas sa désapprobation quant à la défection française. La République, qui s'était déclarée l'alliée de la Russie, n'a pas honoré le traité d'alliance & le Tsar réagit en en prenant acte &, par canal diplomatique, annonce que le pacte d'alliance est purement & simplement résilié. La Russie & la France ne sont plus alliées. A Saint-Pétersbourg, on est ulcéré !

♦

Monsieur Roustan, ambassadeur de la République Française aux Etats-Unis, est convoqué une fois de plus par une commission du Congrès. Washington n'apprécie pas les méthodes de la diplomatie française & tient à le signaler. La France qui vient mendier des fonds aux Etats-Unis pour faire la guerre à la Chine & au Japon, c'est indécent. Et le Président Cleveland d'ajouter "que le culot se mêle à la lâcheté" lorsque le gouvernement français envisage d'abandonner l'Italie & l'Autriche, si les Etats-Unis d'Amérique conçoivent de soutenir l'effort de la République. On touche le fond.

- Les Italiens tentent un nouveau débarquement -

On raille, dans les cercles officiels, la prétention des Italiens de traiter de simple reconnaissance le combat de la baie de Cape Cod. Il y a chez les officiers du Roi Umberto comme une sorte d'émulation toute latine pour gaspiller le temps & sous-estimer la défense des endroits stratégiques. Tout à l'inverse des capitaines américains, qui ont fait preuve d'une opportune prudence. Un engagement naval vient ainsi d'avoir lieu devant Boston, où plusieurs cuirassés de la Regia Marina ont été interceptés & violemment attaqués par l'US Navy. Après un combat d'une heure, un des fleurons de la marine italienne a été coulé, pendant qu'un croiseur est venu s'échouer sur le rivage, où il a été par la suite pris pour cible par les artilleurs américains, qui l'ont achevé sans pitié, le faisant littéralement exploser. Un duel d'artillerie impromptu s'est déchaîné, voyant encore de beaux navires sombrer dans l'Atlantique. Arrivée en fin de saison, l'escadre italienne n'a pas de quoi poursuivre le combat & doit se replier pour ne pas être détruite. Le débarquement est donc un échec total. A Washington, on peut allumer les cigares & remplir les coupes de champagne.

- Opérations en Atlantique -

Les Italiens tentent encore & toujours de faire mal à leur Oncle Sam préféré. Au loin de tout, dans l'Océan Atlantique, ils arrivent cette fois à remporter une splendide victoire, en s'emparant de Praia de Cabo Verde, le hameau qui sert de capitale aux îles du Cap-Vert. Les Bersagliers, c'est-à-dire l'élite de l'armée italienne, ont déployé les grands moyens & réalisé une démonstration de force pour s'imposer sur cette plage magnifique, sous un soleil de plomb, ces îles étant juste sous le Tropique du Cancer. Voilà qui va relever le moral de la nation toute entière.

- Outrage diplomatique à Amsterdam -

Au-dessus du fronton de la façade de la cour du palais royal d'Amsterdam, Atlas montre son assurance en portant le globe terrestre. Cette allégorie illustre le sentiment ambiant qui règne aux Pays-Bas, nation majeure qui a réussi à se débarrasser de la guerre en une saison de diplomatie seulement. Voulant fêter le début du règne du Roi Charles-Auguste, les membres du gouvernement avaient invité de nombreuses personnalités, tels les ambassadeurs du Royaume Uni, d'Allemagne, de Russie & des Etats-Unis, le Président de la République Sadi Carnot & bien sûr le Roi Alphonse XII d'Espagne, qui a acheté non loin de là le château d'Endegeest, dans lequel il réside depuis maintenant huit mois. En dévoilant le monument sur la place du Dam, devant le palais, le Roi des Pays-Bas a fait apparaître une colonne nommée Déshonneur & Fierté. C'est en rentrant dans le palais, pour goûter un excellent vin de Champagne, que la Garde royale a arrêté le Président français pour lui faire entendre la déclaration de guerre officielle de Charles-Auguste à ce qu'il appelle la perfide République. Le Président Carnot & sa suite ont été couverts de goudron & de plumes & expulsés du pays par le premier train international pour la Belgique & la France. L'affront est tel que les douaniers hollandais n'ont pas insisté pour la présentation des passeports à la sortie du pays. Dans les ambassades, on pérore sur cet événement inédit. Déclarer la guerre à une nation est une chose. Humilier son dirigeant en est une autre !

- Invasion de la Suisse -

Quelle infâmie ! L'Empire d'Allemagne & la République Française ont commis un acte d'une vilénie sans nom en envahissant, sans déclaration de guerre, le territoire de la Confédération helvétique. Ces deux puissances, que l'on croyait nobles & civilisées, se sont rendues coupables d'une agression qui rompt le fragile équilibre des nations européennes & le respect que chacun avait des peuples neutres. Sur le terrain, malgré de gros moyens engagés, ni les Français, ni les Allemands n'ont atteint leurs objectifs, l'armée suisse étant encore active. L'Allemagne cherche quand même à se donner une excuse, en publiant dans la presse les méfaits d'une nation, qui oeuvre dans l'ombre contre les intérêts du Reich, en Suisse, en Afrique & surtout lors du massacre des agents italiens à Hambourg. Il faut donc éliminer la vermine qui profite de la neutralité de la Suisse pour mener impunément des exactions au coeur de l'Europe. 

- Le pouvoir vacille en Espagne -

Le Financial News se fait aujourd'hui l'éditeur responsable de nouvelles sensationnelles que nous reproduisons sous toutes réserves & à titre de simple curiosité, aucune autre dépêche ne nous permettant de confirmer l'exactitude des faits. On mande donc de Madrid que le gouvernement espagnol a été renversé & le bruit court que de nombreuses garnisons seraient passées du côté des révolutionnaires. En effet, depuis des mois, les ministres se montraient hésitants, peu impliqués & surtout, Sa Majesté Alphonse XII avait quitté l'Espagne, sans projet de retour. Suite à la débâcle des Philippines & au manque total de réaction des autorités, la population, mais aussi les parlementaires & plus encore les militaires ne cachaient pas leur désarroi. Un coup d'Etat semble avoir eu lieu dans la capitale, mais les troupes loyalistes ont réussi a protéger la dynastie. Il est plus que temps de régler la question de la guerre contre le Japon & la position concrète du Roi. Sans quoi, l'armée, elle aussi, passera du côté des mécontents. L'idée de laisser gagner du terrain à l'âme révolutionnaire, n'est jamais perspicace. Et surtout pas en Espagne, surtout pas !

- La France en guerre -

Voici une administration machiavélique qui semble prendre à coeur de brouiller les monarchies extrême-orientales avec les nations d'Europe. On vient de l'apprendre, les Pays-Bas sont parvenus à esquiver la poubelle qui leur tombait sur la tête depuis les toits des palais extrême-orientaux. La conséquence presqu'immédiate est inévitable ; c'est la France qui hérite des pots cassés. Mais à force de se déclarer sans cesse contre les Européens, les empires du Japon & de la Chine prennent le risque - qu'ils pensent minimes - de fâcher sérieusement tous ceux qui ont des colonies en Asie du Sud-Est. A force, ce petit jeu pourrait fort logiquement se retourner en leur défaveur. Et, à ce jeu, il ne faut surtout pas perdre, car la sanction serait mortelle. La nouvelle déclaration de guerre tombe le 7 février & l'ambassadeur de France à Pékin apparaît décontenancé. A Paris, la nouvelle tombe comme le tonnerre gronde les jours d'orage, d'autant que le Président Sadi Carnot s'était rendu à Amsterdam pour assurer aux Pays-Bas le total soutien de la France ; la France qui, selon sa ligne de conduite, remet aux ambassadeurs chinois & nippon une déclaration de guerre en bonne & due forme. Les lecteurs aguerris de l'excellente presse que scrutent leurs yeux auront de quoi se montrer surpris, voire offusqués. La République est maintenant seule en guerre contre les empires asiatiques, alors qu'elle pensait venir en aide aux Hollandais qui, eux, obtiennent la paix en Asie & mordent en Europe. Mais la France est la puissance européenne qui a le plus d'atouts militaires en Extrême-Orient & elle ne craint pas le Japon, encore moins la Chine. Sa marine & son armée coloniales sont immédiatement mises en alerte maximale. Un étranger habitant à Shanghai & qui a quitté les lieux, dit que les forces des Chinois & des Japonais sont peu nombreuses, qu'elles sont mal armées, mal équipées & à cours de provisions. Bref, le quartier général de Saigon ne compte pas céder à la panique, face à cette double déclaration de guerre, d'autant que la France a déjà vaincu la Chine, il y a moins de cinq ans. C'était sans compter sur les Etats-Unis, qui viennent mettre leur grain de sel dans l'histoire & indiquent au monde qu'ils soutiendront les empires d'Asie, face à l'impérialisme français. En conséquence, la marine américaine a reçu l'ordre de venir bloquer le port de Marseille & le canal de Panama. Le gouvernement français est appelé à négocier avec Washington. Dans le cas contraire, ce sera la guerre !

- Essor des entreprises -

En cinq années, les sociétés se sont livrées à une lutte sans merci & nous pouvons vous dévoiler céans la bonne marche ou le triste déclin des consortiums. 

Du point de vue ALIMENTAIRE, c'est le café Moka des Turcs qui est devenue la denrée la plus rentable, alors que cinq ans auparavant, Barilla (Italie) & Pu'er Tea (Chine) avaient plus du double de clients que les actuels torréfacteurs. Une belle histoire industrielle & une compétition serrée pour les années à venir.

Pour l'industrie de l'ARMEMENT, c'est la Fabrique Nationale de Liége qui a le plus de commandes avec une régularité remarquable. Le grand perdant de ce marché est le consortium Steyr-Mannlicher (Autriche) qui avait pratiquement un monopole, vendant plus du quadruple des Belges & qui est aujourd'hui au bord de la faillite, ne vendant plus rien. Notons que la Fabrique espagnole n'a pas exporté une seule arme depuis sa création. C'est un fait unique dans l'histoire de l'industrie !

Les BANQUES ne sont pas nombreuses & sont dominées outrageusement par le Crédit Lyonnais depuis le premier jour. Dans le monde de la haute finance, rien ne change.

Au sujet des CHANTIERS NAVALS, par contre, ce sont les bateaux espagnols qui sont le plus demandés. Ce n'était certes pas le cas il y a quelques années, puisque les Britanniques & les Japonais dominaient le secteur. Ajoutons que la Belgique, qui a créé un chantier naval, vient seulement d'effectuer sa première livraison cette année.

Les CHARBONNAGES vivotent maintenant de la même manière & ont réussi à régulariser les commandes, ce qui n'était absolument pas le cas les premières années, où les mines de charbon d'Allemagne étaient les plus prospères. C'est la société américaine Terminal Coal qui prend maintenant la tête de ce marché.

En CHIMIE, il n'y a aucune discussion depuis le premier jour, car l'hégémonique société Bayer écrase tout sur son passage & donne mal à la tête aux téméraires qui ont vainement tenté de venir jouer la concurrence.

La gestion des GISEMENTS suit la même logique, avec le consortium russe Khovilano qui ne laisse à personne le soin de contester le marché. Et pourtant, la qualité des Bitumes d'Allemagne commence à se faire connaître.

Pour ce qui est des sociétés de MACHINES-OUTILS, on assiste à une fin de règne de Phillips (Pays-Bas) & d'Edison (Italie), qui doivent se résoudre à regarder les bénéfices de leur concurrent russe de Vorkuta.

Dans le secteur des MINES, il n' y a pas d'appel d'offres & donc aucune rivalité. Malgré la présence de plusieurs sociétés en Belgique & au Mexique, seuls les Russes de Serginsk semblent être capables de fournir tout le monde. Tant, que cette société est devenue la plus grande usine du monde, faisant de Monsieur Jacob Günzbourg, banquier & industriel de Saint-Pétersbourg, l'homme le plus riche sur terre.

Les consortiums où la lutte est la plus farouche font partie du secteur du PETROLE, dans lequel la Standard Oil (Etats-Unis) & Shell (Pays-Bas) se sont faits siphonner leur clientèle par la Branobel des Russes.

La SIDERURGIE de Biscaye (Espagne) semblait régner pour longtemps sur le marché des exportations. Elle a cependant été mise sous laminoir par les aciers de Belgique & du Japon. La pire gestion vient des directeurs des hauts fourneaux mexicains, qui passent de l'apogée à la muise en trois ans seulement.

Le renversement de la situation le plus spectaculaire est visible avec la vente de TABAC, que les Japonais maîtrisaient parfaitement pour concurrencer les cigares Partagas (Espagne), jusqu'à l'arrivée des cigarettes au tabac blond de Fatima d'Istanbul. Une fois de plus, les Mexicains qui ont créé un consortium en cours de route, ont réussi à attirer une large clientèle, qui est partie en fumée en moins de deux ans.

La France est le leader mondial du TEXTILE depuis qu'elle contrôle le Maroc. Voilà donc quatre ans que cette industrie tourne avec une régularité magnifique, alors que ce secteur semblait n'avoir qu'un maître, le Shapur Mill des Anglais. Cette dernière société s'est effondrée & ne reçoit plus beaucoup de commandes depuis belle lurette. On peut parler là d'un lent déclin. 

Le dernier secteur, celui de la VERRERIE est très changeant & semble trouver sa clientèle au jour le jour & au petit bonheur la chance. Il n'en est évidemment rien, mais c'est l'impression que cela donne. Chaque année a été dominée, soit par la cristallerie Baccarat (France), soit par celle de Moser (Autriche). Aujourd'hui, toutes les deux sont dépassées par les productions raffinées du Val-Saint-Lambert (Belgique).

En conclusion, ce sont les industriels russes qui sont les plus actifs & les plus chevronnés pour dominer le commerce au niveau planétaire. On dit qu'à l'ombre des grands arbres rien ne pousse, mais la Belgique & la France parviennent tout de même à s'épanouir. A l'inverse, la Grande Bretagne, l'Italie & l'Espagne délaissent étonnamment leurs fleurons industriels, les privant de beaux revenus. Enfin, seules deux sociétés ont réussi à conserver un nombre de ventes annuel à deux chiffres : ce sont les mines de Nizhne Serginsk & la chimie de Bayer.