SOUS LE SIGNE DU CAPRICORNE

Le tropique du Capricorne porte ce nom, parce que le soleil entrait à son zénith dans la constellation du Capricorne lors du solstice de décembre, le jour le plus long dans l'hémisphère austral... fin de la leçon. Cet éditorial ne vise pas seulement à décrire les latitudes & les longitudes, afin d'instruire les lecteurs de L'Illustration, il veut aussi les inviter à la réflexion & nourrir le désir d'approfondir leurs connaissances. Et s'il y parvient, les articles suivants rendront attrayants les nouvelles du monde & attireront de nouveaux esprits à comprendre cette époque, qui nous est chère. S'il permet de faire revivre devant les yeux de tous, le progrès de la civilisation & l'exploration du monde, s'il parvient à conserver dans la mémoire des hommes ce que le temps érode & emporte, alors cette revue aura atteint son but. Et cela, sous l'oeil pétillant des chroniqueurs revenus des horizons lointains pour couvrir le Jubilé d'Or de Victoria.

- Sous le tropique du Capricorne - 

Une légende s'est faite, qui veut que l'Afrique soit un continent pestilentiel, le cimetière des Européens. Rien n'est plus faux. Cela se voit du reste à la mine florissante des soldats qui reviennent de campagne. Quand ils reviennent...  Une fois n'est point coutume, nous nous intéresserons en premier lieu à ce qui se trame de l'autre côté de la Terre, sous le Capricorne. Car c'est bien dans ces régions, où la chaleur est moins étouffante, que se concentrent cet été les plus importantes opérations militaires. Engagés dans un conflit qui promet d'être dur & long, les tempêtueux Italiens ne cessent d'alterner les positions, pour tenir Maputo ou lancer des raids. Leur action contre un rival largement supérieur en nombre est héroïque. Leurs adversaires, les rudes Boers, mènent un combat de tous les instants, ne permettant aucun atermoiement & il faut au général San Marzano beaucoup de cran pour remonter le moral de ses hommes. Des mesures strictes sont prises. Les soldats doivent dormir à portée d'arme avec leur ceinturon à la taille. L'eau crue est interdite à la consommation. Il est dès à présent distribué deux rations de vins par jour, ainsi que deux grammes de quinquina jaune. Mais surtout, les Italiens comptent sur la présence rassurante & efficace de l'escadre du contre-amiral Raffaele Noce, qui a installé son pavillon personnel sur le cuirassé Sardegna, un monstre de treize mille tonnes d'acier, armés de quatre canons de 343 mm sous tourelle & de huit fûts de 152, soutenu par quelques croiseurs, dont le bien nommé Stromboli. A chaque assaut trop téméraire des Boers, l'artillerie lourde de la Regia Marina crache un feu du tonnerre sur les assaillants, qui doivent aussitôt battre en retraite. Les Zoulous, terrorisés par le vacarme, n'envisagent même plus franchir la frontière.

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L'administrateur général de l'Etat Indépendant du Congo, Monsieur Edmond van Eetvelde, continue de pousser ses pions vers le même tropique & c'est pour cela que l'on voit l'expédition du colonel Alphonse van Gele atteindre la petite ville de Maramba au bord du majestueux fleuve Zambèze. Pour les Belges, les moustiques sont le principal ennemi & une source de tracas continuelle. Les explorateurs essaient tout pour se protéger : s'abriter sous un drap, faire de la fumée, agiter les bras & des feuilles de palmier, mais en vain. Les recrues belges se font dévorer & sont couverts de cloques. Non seulement les démangeaisons sont insupportables, mais les hommes ne peuvent parler sans tousser, parce que les moustiques leur volent dans la bouche & les narines. Le Haut Zambèze devient une province du Congo & les géographes de s'émerveiller des chutes Victoria qui tombent de plus de cent mètres de haut pour offrir un spectacle remarquable observé par David Livingstone il y a trente ans.

- Sous le tropique du Cancer - 

Les tropiques attirent de plus en plus les curieux puisque, cette fois au niveau du Cancer, de très nombreuses opérations sont en cours. D'abord, observons les Britanniques qui font une démonstration de force à Aden, le rocher le plus pelé qui soit, pour prendre le contrôle d'un port naturel, idéalement positionné à la sortie de la Mer Rouge. Installée sur la crète d'un cratère volcanique, la petite ville est le théâtre d'une pièce maintes fois jouée. La Royal Navy apparaît au large. Les divisions britanniques débarquent. L'Union Jack est déployé. Plusieurs Cheikhs des tribus Yafa'i, qui avaient initialement été hostiles aux Anglais, sont venus hier en fin d'après-midi faire leur soumission. C'est fort aimable à eux, car on était justement à l'heure du thé. Fin de la scène. Passons à l'acte suivant.

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L'expédition que préparaient les Ottomans au Sind a commencé. La concentration des régiments, qui avait lieu à Bassorah, a permis d'embarquer les divisions turques soutenues par une troupe d'irréguliers, un corps auxiliaire de l'armée ottomane, les féroces Bachi-Bouzouks. Si le concours des navires de la marine turque n'est pas facile sur la côte du Sind en raison de la hauteur du fleuve Indus, les rapports disent que le général Mehmet Esat Bulkat est en position de force pour s'imposer à Karachi. Le soleil accable la ville de sa lumière droite & pénible, mais les Turcs en ont vu d'autres. Le sable est éblouissant & la lagune miroite, lorsque les divisions ottomanes sont prises sous le feu des batteries de défense. Bulkat doit brandir son sabre pour donner de l'élan à l'offensive ottomane, qui peine sous la mitraille. Cette hardiesse est digne d'intérêt car, dépassant les plages, les Bachi-Bouzouks parviennent à atteindre la mangrove, pour pénétrer dans le faubourg situé le long de la rivière Layari. Mais que personne ne soit dupe. Ces opérations sont permises après un accord entre Britanniques & Ottomans, mais embarrassent particulièrement quelqu'un auquel les Turcs n'avaient peut-être pas pensé. Car, dans son splendide palais du Golestan, sans aucun doute permis, le Shah de Perse Nassereddine doit fulminer d'être pris en étau.

- La campagne d'Abyssinie -

En cette époque de concurrence fiévreuse & de colonisation à outrance, où toutes les grandes puissances se disputent jalousement les terres inoccupées, se douterait-on qu'une nation ne veuille pas y participer ? Les Autrichiens, qui sont depuis plusieurs années à la recherche d'une politique coloniale, ont fini par jeter leur dévolu sur les côtes de la Mer Rouge. L'avantage serait médiocre s'ils se contentaient d'occuper le petit port de Massaoua & quelques postes du littoral. Mais à côté d'eux se trouve l'Abyssinie, vaste pays montagneux sous un ciel torride, abondamment arrosé, véritable paradis terrestre sous l'Equateur. L'Autriche-Hongrie n'était pas encore disposée à entreprendre la conquête de ce pays, mais elle avait planté son drapeau aux portes de son futur empire. Cette saison, l'Empereur François-Joseph donne à l'Archiduc Frederik von Teschen l'ordre de lancer les hostilités. Aussitôt, les rapports des éclaireurs s'accumulent à propos d'un certain Alula Engenda, qui est le nom du Ras du Tigré. Ce personnage devient le cauchemar qui hante jour & nuit les officiers autrichiens engagés dans cette province septentrionale de l'Abyssinie. Alula Engenda est un fidèle général de Yohannès IV, le Négus Negest & les contacts sont immédiatement hostiles, les soldats autrichiens étant harcelés lors de chacun de leurs déplacements, alors qu'ils pensaient s'en être fait un allié. La présence d'un commandement d'armée dans une campagne coloniale n'arrange pas la situation, nous l'avons maintes fois signalé. La promiscuité est dangereuse, car elle entraine des pertes supplémentaires & il faut la plus grande autorité de la part des chefs pour empêcher le soldat de boire de l'eau. La plupart des maladies proviennent d'un acte de désobéissance, parce que l'on cède à la tentation de se désaltérer dans une onde qui peut paraître pure, mais n'est que rarement saine. Voilà comment les ambulances se remplissent & les effectifs diminuent. A la fin de la saison, les Autrichiens atteignent néanmoins la ville de Diré Daoua sur la route de Harar & entament ainsi leur marche dans les reliefs effrayants d'Abyssinie, du Choa & du pays Galla.

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Plus proche de l'Equateur, la Côte de l'Or vit ses derniers instants de liberté. Les Ashantis ont tenu la dragée haute face aux vagues ibériques, mais ils doivent capituler maintenant que le Roi d'Espagne a engagé ses divisions de la Garde. Evidemment, les Hallebardiers - un des plus anciens corps de garde d'apparat, avec les Yeomen anglais & les gardes suisses pontificaux - sont restés en Europe pour rendre les honneurs & escorter le Roi. Il est temps que l'Espagne agisse avec sérieux dans les colonies, car il n'est guère prudent de se laisser marcher sur les pieds par qui que ce soit. Cette victoire est donc un message clair aux indigènes inconscients, ainsi qu'aux alliés de l'Espagne qui commençaient à gamberger.

- Jubilé de Victoria -

Juin & son solstice sont réservés au Jubilé d'Or de Sa Majesté, marquant les cinquante années de règne de Victoria, par la grâce de Dieu Reine de Grande Bretagne & d'Irlande, défenseur de la foi, Impératrice des Indes. Au-delà de la Manche, les fêtes se sont étalées tout le long du mois, au cours duquel les Britanniques se sont glorifiés de leur prospérité, de leur puissance commerciale & de leur position coloniale. Les réjouissances nationales ont débuté à Westminster, où fût célébré le couronnement il y a un demi-siècle. C'est là un événement extraordinaire qui ne s'est produit que trois fois dans l'histoire d'Angleterre. Les Britanniques sont d'autant mieux disposés à se réjouir, qu'ils ont pour leur Reine une véritable affection. Sa Majesté a montré toute sa vie un respect absolu de la constitution &, malgré une ascendance allemande, n'a jamais donné motif à l'orgueil anglais de se méfier. L'aîné, le Prince de Galles, assiste aux cérémonies en costume de général en chef des armées. Le Duc d'Edimbourg, fils cadet de la Reine, participe au cortège à cheval, au cours duquel il est particulièrement ovationné en raison de sa glorieuse participation à la victoire en Egypte & de son implication dans la pacification de l'Ecosse.

On ne sait pourquoi, mais le Mexique a tenu publiquement à faire savoir que son Président refusait catégoriquement de se rendre à Londres. Peut-être n'aime-t-il point les fanfares militaires ? Mais, pour les Britanniques, ce ne sont pas là des manières de gentleman ! D'autant que les têtes couronnées & même deux Présidents se sont montrés généreux pour assister au Jubilé. Le Roi d'Espagne Alphonse XII, qui s'est parfaitement remis de sa tuberculose & de ses tracas coloniaux, est le premier à être salué par une foule immense le long du Mall, qui le conduit jusqu'au palais de Buckingham. Suit alors la calèche de Grover Cleveland, le Président des Etats-Unis d'Amérique, qui est entourée d'un très important dispositif de sécurité. Allez savoir pourquoi ! L'invité suivant est le Président de la République Jules Grévy, qui prouve le désir d'apaisement français. L'après-midi, le yacht personnel du Roi des Belges arrive par la Tamise & l'on dit que Léopold II, cousin de la Reine, lui apporte le plus gros diamant du monde, découvert dans les mines du Katanga & taillé à Anvers haut lieu de la joaillerie. Là aussi, l'affluence est impressionnante, puisque le spectacle continue avec la parade d'une flottille de sept avisos sous le commandement du Prince Rodolphe, fils du Kaiser d'Autriche-Hongrie & l'appontage du croiseur-cuirassé Nakhimov, qui amène le Tsar de Russie. Le Sultan Abdul-Hamid II, lui, loge à l'ambassade située dans un palais au Sud de Hyde Park, mais est de toutes les cérémonies officielles, visiblement très heureux d'être un des invités les plus appréciés de Sa Majesté. 

- Double opération dans les Caraïbes - 

Après avoir fait une démonstration à la Havane, les Américains s'enhardissent & souhaitent prolonger leurs actions jusque dans les Antilles les plus orientales. Pour cela, ils préparent un débarquement à Bridgetown, pour contrôler l'île de la Barbade, bien connue pour sa manufacture de tabac. Mais lorsque l'escadre américaine, populairement surnommée The Great White Fleet, surgit au large de l'île, ses officiers de quart sont intrigués par le nombre de plus en plus flagrant de pavillons britanniques flottant sur autant de navires de guerre. C'est que la Royal Navy a agi plus vite que sa concurrente en déposant il y deux jours les soldats aguerris des Royal Marines. Le général McNeil a déployé ses régiments d'infanterie légère, rapides & efficaces, après un bombardement terrible transformant les positions fortifiées de la rade en ruines hideuses. Les résistants pris les armes à la main ont été fusillés. Le commodore William Sampson doit envoyer un télégramme à Washington pour indiquer sa déception & l'échec de sa mission. A l'évidence, les Anglais & les Américains ne s'étaient pas rendus compte de leur présence si proche dans ce secteur. Le Times publie à cet effet un article ayant pour objet de dissiper les impressions d'ignorance des états-majors & remarque que les cajoleries de l'Angleterre à l'égard des Etats-Unis sont capables d'alarmer les plus hautes instances. Cette alarme n'aurait aucune raison d'être.

- Sur la route de Samarcande - 

Les Khanats ouzbeks tombent les uns après les autres dans la chaleur étouffante de l'été. Arrivés devant Samarcande, les régiments russes lancent sans l'ombre d'une hésitation l'attaque contre les fortifications de la ville. C'est le 5e corps du général Nikolaï Lomakine qui s'illustre en enfonçant les portes du Nord & en recevant l'information de la capitulation du Khan. Mais au Sud, les défenseurs refusent d'ouvrir les portes, ce qui donne lieu à des combats supplémentaires. Les soldats - des Cosaques & des Caucasiens - reçoivent comme récompense honorifique du commandement de pouvoir planter leurs tentes sur le Régistan, littéralement la place sablonneuse, le coeur historique de la ville. A la fin du mois, le Tsar Alexandre III décerne une médaille à tous les combattants de l'expédition sur Samarcande & le général Mikhail Tcherniaïev devient commandeur récipiendaire de l'Ordre de Saint-Vladimir.

- La douceur de vivre de l'Empereur Mutsu Hito - 

Le gouvernement japonais, d'un pacifisme bêlant, est aux ordres de l'Empereur. Sa Divine Majesté, poète le matin, diplomate l'après-midi, ne souhaite point définir une ligne de conduite provocatrice & encore moins impérialiste. Le Japon est décidé à montrer au monde comment accroître ses revenus sans agresser qui que ce soit. C'est ce que toutes les ambassades ont reçu comme consigne & l'Europe comme l'Amérique se contentent de hausser les épaules, toute occupées qu'elles sont à ne pas se méfier de l'eau qui dort.

L'Empire d'Autriche-Hongrie souhaite devenir un modèle pour la justice & déploie des trésors d'imagination, largement financés, pour améliorer les lois, les bâtiments, le personnel administratif & le travail des juges.

Quant à l'Allemagne, elle se targue d'embellir les quartiers ouvriers à grands renforts de squares & de jardins, d'écoles & de lazarets, afin d'assainir les périphéries urbaines.

En marge de la Russie d'Europe, le hameau d'Aral au bord de la mer homonyme, connaît une activité hors norme. Un nouveau gouverneur y est envoyé. C'est le général Nicolas Linevitch, un fervent administrateur des casernes lointaines, qui reçoit des crédits exceptionnels pour développer & fortifier le bourg. En quelques mois seulement, Aral devient une ville majeure, avec l'érection d'une puissante citadelle & de grands bâtiments publics, agrémentés d'une promenade longée d'arbres fruitiers. Aral n'est plus seulement une ville de garnison, mais un important centre ferroviaire & économique. Ce n'est pas tout : à Kazan, le Tsar inaugure l'hôpital-école militaire créé pour former des médecins militaires & civils. Conformément à la doctrine de Nikolaï Pirogov, les femmes sont acceptées dans les études de cet institut.

- Intervention éclair en Corée - 

Perturbation à Songjin, convulsion à Fusan, insurrection à Séoul. Le "Pays du Matin calme" vit des heures sombres & vacille dans une effervescence qui passe de sédition en rébellion. Pendant que certains hommes influents, craignant un retour des Chinois, demandent des élections pour rejoindre l'Empire du Japon, de nombreux heurts éclatent partout dans le pays, qui prend résolument la voie de la guerre civile. L'armée nationale ne se fait remarquer que par son silence & son inaction. C'est dans ce contexte houleux, que l'Empereur Mutsu Hito prend la responsabilité d'intervenir en envoyant les forces nippones régler leur compte aux réfractaires & autres trublions. A la tête d'une flotte impressionnante de modernité, l'amiral Kawamura Sumiyoshi transporte une armée à l'équipement sophistiqué, épaulée par la redoutable Garde impériale & l'impitoyable Infanterie coloniale. Le chaos est éteint en une journée seulement. Les journaux de Tokyo sont formels : fidèle à sa tradition pacifiste, le Japon est intervenu uniquement pour remettre de l'ordre & installe un gouvernement pro-japonais, conformément aux demandes du peuple coréen. Aux opposants, il a été offert une mort honorable. La Corée est annexée.

- Anna Karénine aux Balkans - 

Le roman de Léon Tolstoï, paru dans le périodique Le Messager Russe il y a dix ans, connaît depuis un vif succès dans le monde entier. Involontairement, un personnage réel ressemble à s'y méprendre à l'une des figures principales, lorsque les quotidiens fraîchement édités relatent un acte sordide dans les Balkans. Les renseignements généraux ouvrent immédiatement une enquête, qui s'apparente à la douteuse affaire Archbold. En effet, comme dans le reportage d'Aden, les protagonistes ont calqué leur mode de fonctionnement sur le rapt de l'industriel américain, pour s'emparer d'un ressortissant russe du nom de Polyakov. Ce banquier, proche des plus grands noms pouvant approcher le Tsar, a étrangement disparu lors d'une mission dans les Balkans. Nos lecteurs apprécieront les détails qui vont suivre, car les pistes se perdent après un rendez-vous chez le trafiquant d'armes Basil Zaharoff & une soirée passée avec une belle & ardente espionne inconnue des services impériaux. Les administrations le savent désormais ; les agents les plus suspects sont toujours accompagnés de jolies dames. L'administration supérieure des douanes grecques procède à la fouille rigoureuse de l'identité des allochtones. Mais rien n'y fait, l'entrepreneur russe est introuvable.

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Aux Etats-Unis d'Amérique, un rebondissement inattendu relance l'enquête Archbold. Alors que l'homme d'affaire semblait libre & sauf, les agents américains signalent qu'ils n'ont retrouvé à Aden, qu'un corps calciné, portant la chevalière dudit homme, afin de faire croire à sa mort, ainsi que les bagages de ses enfants. La situation est donc loin de connaître son épilogue.

- La crise de Panama - 

Les affaires de Panama ont tenu trop de place dans les débats publics de ces derniers temps, pour qu'il soit nécessaire d'en renouveler l'historique. Voyons plutôt la réaction de la République Française qui, touchée en son fors intérieur, ne peut laisser une puissance étrangère venir saboter ses projets les plus coûteux. L'opinion publique, chauffée à blanc par les déclarations du général Boulanger, ministre de la Guerre, pousse le Président Jules Grévy à faire savoir lors du défilé du 14 juillet que la France n'accepte pas qu'on la raille. Après les révoltes & la grève, la compagnie de percement est maintenant harcelée par des bandes de pillards, qui paralysent une fois de plus le chantier. Le subterfuge devient trop gros & la République s'est mise en chasse pour débusquer les malfaiteurs. L'ambassade de France à Bogota s'est mise d'accord avec le gouvernement colombien au sujet des clauses additionnelles au traité de commerce signé pour le percement du canal de Panama & permet que l'armée française agisse dans la province concernée à sa guise.

- Les ruines de Pagan - 

Le tropique du Cancer n'a pas fini de servir de décor pour cette saison, car les Hollandais s'y retrouvent en temps qu'explorateurs. Leurs aventuriers sont menés par un jeune aspirant officier nommé Johan Eilerts de Haan de l'armée des Indes néerlandaises. En redescendant le fleuve Irrawaddy vers Rangoon, ce groupe de cartographes réalise l'inventaire des séculaires bâtiments de brique du site de Pagan, qui était la capitale d'un empire qui s'éteignit au XIVe siècle. Les remarquables vestiges aux ornements raffinés sont mesurés, dessinés & leurs plans tracés avec exactitude. Notons que le site est toujours vivant, des moines bouddhistes y étant installés. Tôt le matin, des fidèles birmans viennent déposer de la nourriture pour les bonzes dans des vases noirs placés devant les statues de Bouddha nichées dans les anciennes murailles. 

- L'expédition Stephenson - 

Le commandant Henry Stephenson, un brillant officier de la Royal Navy attaché au service du Prince de Galles, se voit confier par la Reine en personne une mission en Arctique. Stephenson doit cartographier le grand Nord en longeant les côtes du Groenland, une île encore mal connue & non répertoriée sur nos cartes, pour en certifier l'insularité en réalisant une circumnavigation. Chemin faisant, Stephenson dépasse très tôt les 66°33' de latitude du cercle polaire & peut contempler le phénomène extraordinaire du "soleil de minuit". La voie du Nord, traditionnellement bloquée par la glace laisse passer le voilier de l'expédition in extremis & permet le succès de ce voyage dangereux. En effet, Stephenson efface ainsi le quasi échec de l'expédition britannique de 1876, qui n'avait ni atteint le Pôle Nord, ni réussi à faire le tour complet du Groenland. 

- Le Concours Lomonossov -  

La seconde édition du Concours Lomonossov s'est déroulée à Saint-Petersbourg, où le soleil de juin se couche chaque soir, certes, mais le coucher perdure tant, qu'il est relayé par le lever, axé plein Nord. Ce moment magique & insolite engendre les nuits blanches de la capitale, qui sont célèbres dans toute la Russie. Les inventeurs venus pour le concours s'en émerveillent, mais n'oublient pas de présenter les innovations techniques de l'année. Les participants sont moins nombreux que l'année dernière, mais leurs présentations attirent toujours les curieux. C'est John Dunlop, un Ecossais à la longue barbe, qui remporte le concours avec la présentation révolutionnaire de pneumatiques en caoutchouc. Un brevet est aussitôt déposé, car sa "roue à air" avec valve rencontre une allégresse populaire immense, tout le monde souhaitant se griser de la vitesse & du confort de ces roues pour les automobiles & les bicyclettes. A la fin de la remise des prix, les autorités russes surprennent le monde scientifique : désormais, l'organisation du concours ira à la nation la plus méritante dans l'innovation civile. Voici la Grande Bretagne prévenue !

- Les contrebandiers sous les verrous - 

La commission des fraudes des Etats-Unis d'Amérique a nommé une sous-commission pour étudier les appareils propres à combattre les fraudes d'alcool dans l'Etat de l'Illinois. Cette sous-commission s'est attelée à l'étude des compteurs alcoométriques & examiné tous les modèles soumis à son enquête. Il est apparu que la ville de Chicago était le centre d'un trafic de contrebande d'une ampleur inégalée en Amérique. Nous avons reçu de Washington, un paquet de documents, revues, journaux, rapports, qui nous montrent le développement abusif de la contrebande menée par la mafia & le combat que lui a livré l'administration américaine. Le secrétaire d'Etat, Monsieur Bayard, dénonce en conférence de presse le trafic d'alcool de contrebande - appelé moonshine dans les pays anglo-saxons - organisé illégalement en Amérique du Nord, que le gouvernement italien a savamment organisé & couvert.

Le fait d'avoir livré à un journal un document secret est décidément considéré comme un acte de haute trahison. Le Sultan en a fait l'expérience avec le courroux chinois, lorsque son gouvernement a annoncé par voie de presse l'existence d'un trafic d'ivoire tenu par la Chine, ainsi que son démantèlement. A son tour, le Président Cleveland se montre inflexible en mettant fin à cette juteuse contrebande & demande incessamment au royaume d'Italie de venir s'expliquer. En attendant, les ports américains ont reçu l'ordre d'interdire tout bateau en provenance d'Italie. Par extension, Washington appelle ses partenaires à redoubler de vigilance quant à l'ingérence italienne sur le sol européen & dans le monde.

- Nouvelles gares - 

Dans l'Empire Céleste, les travaux ferroviaires sont plus lents qu'ailleurs & le gouvernement ne débloque que de modestes capitaux pour prolonger l'unique ligne de Pékin. Depuis Jinnan, les trains peuvent maintenant aller jusqu'à X'ian, l'ancienne capitale aux puissantes murailles & au remarquable plan traditionnel en damier. De leur côté, les Ottomans relient Bucarest à Andrinople, ce qui assure un gain de temps pour les voyageurs du luxueux Orient-Express, qui franchit le Danube sur un pont magnifique & permet de conserver sa pleine vitesse.

Le Tsar Alexandre III continue d'appeler les industriels étrangers à venir investir en Russie & obtient des Autrichiens la réalisation de la voie ferrée Tarnopol, Jitomir, Kiev. Les Russes poursuivent par eux-mêmes des travaux, de Kiev à Ekaterinoslav, puis jusque Kharkov.

En France, le réseau national est prolongé avec une ligne de Bordeaux à Hendaye.

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La compagnie russe Ropit organise une ligne maritime entre Saint-Petersbourg & Londres. Les paquebots de cette ligne ne navigueront pas en hiver & ne sont destinés qu'à une clientèle fortunée. 

- L'ordre règne à Dublin - 

Il y avait une ombre très sombre dans les réjouissances du Jubilé de Victoria, en raison de la persécution & de la misère de l'Irlande. Cent fois déjà le soleil avait jailli, radieux ou attristé, de cet horizon axé vers l'Angleterre. Cent fois il s'était replongé dans son immense bain du soir sur l'Atlantique. Depuis, les Irlandais irrités ont été invités à se calmer. Charles Stewart Parnell & sa clique ont été assignés à résidence surveillée. Quelques coups de feu ont été tirés dans les quartiers miséreux de Dublin, mais personne n'a été blessé. Seuls ceux qui agitaient des drapeaux rouges ont été arrêtés & emprisonnés. Les boucheries & les épiceries saccagées ont été indemnisées. Maintenant, on peut écrire que les rues de Dublin sont sûres.

La grève générale à Lille a pris un caractère important & obligé le gouvernement à prendre des dispositions en vue des incidents à craindre. Les troupes consignées ont pris les trains que l'Etat avait réservés pour signaler à la population sa présence dans les plus brefs délais. Le général Boudet, directeur des télégraphes & de l'aérostation militaire, indique ensuite que plus aucun fait grave ne s'est produit. 

Pour ramener la paix à Canton, l'Impératrice a demandé au Marquis de Tseng de faire venir l'élite des forces chinoises. La Garde vient patrouiller dans le grand port & rassure immédiatement la population.

- Mesures sanitaires - 

Les nouvelles parvenues de Crimée & de Géorgie indiquent une recrudescence des cas de choléra. A Sébastopol, Eupatoria & Batoum, de nouveaux malades sont signalés & aucun navire ne peut sortir des ports sans avoir subi une inspection médicale minutieuse. Une dépêche d'Odessa annonce que tous les navires se dirigeant de Sébastopol à Constantinople ou Constanta sont soumis à une quarantaine dont la durée n'est pas encore fixée. Tous les pays concernés se doivent d'agir promptement.

- Consortiums actuels -

Les mineurs & les ouvriers sont toujours plus nombreux, délaissant les campagnes pour la ville. Le monde s'industrialise à grande vitesse & le royaume de Belgique construit deux nouvelles manufactures. Formé à l'Ecole des Mines de Liége, Jules Deprez donne aussitôt aux cristalleries du Val St-Lambert l'envol international qui lui faisait défaut, pendant que les Anversois inaugurent le chantier naval Scheepwerf SA. Le pays de Léopold II devient la seconde nation industrielle du monde, derrière le Royaume Uni qui compte sept consortiums & un réseau ferroviaire exemplaire.

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Alimentaire : Abyssinie, Argentine, Ceylan (ROYAUME UNI), CHINE, ITALIE, MEXIQUE, TURQUIE.

Armement : AUTRICHE, BELGIQUE, CHINE, ESPAGNE, FRANCE, ROYAUME UNI, Suède.

Banque : FRANCE, JAPON, ROYAUME UNI, Suisse.

Chantier naval : BELGIQUE, ESPAGNE, Grèce, JAPON, ROYAUME UNI.

Charbonnage : ALLEMAGNE, ETATS-UNIS, Mandchourie (CHINE), Mozambique.

Chimie : ALLEMAGNE, JAPON, Norvège, ROYAUME UNI.

Gisements : Brésil, Congo (BELGIQUE), Etats Malais (PAYS-BAS), Matebeleland, Nigeria (ALLEMAGNE), RUSSIE.

Machines outils : Danemark, ITALIE, JAPON, PAYS-BAS, RUSSIE.

Mines : Australie, Côte d'Or (ESPAGNE), Katanga (BELGIQUE), MEXIQUE, RUSSIE.

Pétrole : Azerbaïdjan (RUSSIE), Birmanie (PAYS-BAS), ETATS-UNIS, Roumanie, Sumatra (PAYS-BAS).

Sidérurgie : BELGIQUE, ESPAGNE, JAPON, MEXIQUE.

Tabac : Barbade (ROYAUME UNI), Cuba, JAPON, MEXIQUE, Nicaragua, TURQUIE.

Textile : AUTRICHE, Corée, Egypte (TURQUIE), Gujarat (ROYAUME UNI), Maroc (FRANCE), Pendjab.

Verrerie : AUTRICHE, BELGIQUE, Canada, CHINE, FRANCE, Perse.

DATE LIMITE DE L'AUTOMNE 1887 : VENDREDI 1 SEPTEMBRE

Nous sommes déjà au dixième numéro du journal L'Illustration. Je me dois humblement de remercier les plus diserts de nos correspondants tout autant que les éditorialistes & autres plumitifs des authentiques années 1880 compulsés en annexes, ainsi que les poètes de ce siècle vénérable qui motivent chaque jour la rédaction de ce journal. 

Précisons que quelques uns ont été surpris par des déplacements trop lents ou trop rapides de leurs unités ou par les capitaux changeants lors de la construction des rails. Rappelons que le planisphère sur lequel évoluent vos unités est axé sur des distances parfaitement correctes pour les parties continentales (exceptée la Sibérie qui est trop allongée), mais pas toujours pour les parties océanes. Exemple : une escadre qui partirait de New York pourrait atteindre la cote irlandaise en une saison, ce qui n'est pas du tout ce qu'indique le cercle bleu du commandement naval.