L'ANNEE DES TROIS EMPEREURS

Pendant que l'Allemagne vit une année singulière, la conquête des déserts semble vivement passionner le grand public devant lequel, au coeur palpitant, les troupes coloniales défilent à leur retour. Ce qui fait les déserts, c'est le manque d'eau, car rien ne pousse dans ces steppes immenses, sous un vent d'une âpreté incroyable qui ressemble à une haleine de fournaise. Et pourtant, les Français se sont installés dans le Sahara, les Russes dans le Kyzyl Koum, les Turcs en Oman, les Allemands dans le Sahel, les Chinois en Dzoungarie. Partout un sol aride & dur, dont pas un brin d'herbe ne saurait percer l'étendue de sable ou la roche calcinée par un soleil infernal. Cependant, dès qu'un point d'eau se montre, une végétation luxuriante émerge. C'est dans ces oasis clairsemées & restreintes, véritables îles éparses sur l'océan de sable, que la civilisation émerge.  

- Second deuil impérial en Allemagne -

A Berlin, les esprits se refroidissent graduellement depuis l'accession au trône du nouveau Kaiser, il y a une saison seulement. Tous les citoyens de la capitale & d'ailleurs, vivent au ralenti à chaque article concernant la santé de l'Empereur. Ce, pendant qu'une aggravation notable se produit pendant la nuit de dimanche dans l'état de Frédéric III. Le docteur Howell s'aperçoit que la bronchite de l'Empereur se transforme en pneumonie & annonce la dernière phase de la maladie. Le Kaiser montre un calme & une patience extraordinaires, comme le constate le Kronprinz Guillaume, qui accoure au grand galop de son cheval depuis le palais de Charlottenbourg. Le Chancelier Bismarck arrive à midi & reste longtemps enfermé avec le Prince héritier, dans la chambre du malade. L'Impératrice Augusta vient ensuite auprès de son fils, ainsi que le Prince Henri, fils cadet de l'Empereur, qui rallie Berlin depuis la base navale de Wilhelmshaven. Le docteur Windthorst, les yeux plein de larmes, se borne à prononcer devant les ministres présents : "je ne suis qu'un vieillard, mais je ne pourrai pas survivre à la douleur de voir mourir cet Empereur." L'annonce tombe le quinzième jour du mois de juin & plonge la nation dans le deuil. La foule massée devant le palais de Postdam comprend la triste nouvelle en voyant les estafettes du peloton des Uhlans de service porter des dépêches dans toutes les directions. Le drapeau fixé au toit du palais est descendu vers onze heures & à midi les cloches du Dôme de Berlin sonnent le glas funèbre. Le Kronprinz devient Roi de Prusse & Empereur d'Allemagne sous le nom de Guillaume II. Un souverain de vingt-neuf ans à la tête du plus riche empire d'Europe, tel est le fait capital qui frappe les esprits, non sans les inquiéter, car il y a aujourd'hui plus d'inconnu qu'hier dans la politique internationale. Les prochains mois permettront de juger si le bon sens est toujours héréditaire dans la famille des Hohenzollern.

- Préparatifs de l'Exposition Universelle -

Un fait considérable va se produire dans quelques mois, on pourrait écrire un fait inoubliable, dans l'histoire de la civilisation. Paris, la Ville Lumière, va accueillir pour la quatrième fois une Exposition Universelle. Monsieur Adolphe Alphand, directeur général de l'organisation de l'événement, a été reçu par Monsieur Floquet, avec lequel il vient de s'entendre au sujet du vote récent par le Sénat des crédits nécessaires aux travaux. Et pendant que Charles Floquet, Président du Conseil, à l'étonnement de tous, blesse au cou le général Boulanger qui l'a défié dans un duel à l'épée (véridique), les constructions avancent à un rythme enthousiaste, d'autant que de nouveaux participants se sont déclarés. Ainsi, l'Empire du Milieu prévoit l'érection d'un palais gigantesque symbolisant la culture chinoise. Ainsi l'Autriche-Hongrie présentera un pavillon viennois avec les plus belles pièces de cristal. Les emplacements sur le Champ-de-Mars, le Trocadéro & les Invalides s'étalent sur 96 hectares & héritent des derniers progrès en matière d'industrie, ainsi que des formes architecturales, comme de la machine à vapeur, de l'amélioration des engrenages & de la vitesse des pistons. Grâce à Hippolyte Fontaine, l'électricité doit devenir la reine de l'Exposition, car son installation promet d'être la plus dense de tous les temps.

- Tensions extrêmes en Méditerranée - 

Ne voyant rien venir d'Italie, le Royaume d'Espagne a décidé de passer à l'étape suivante & a fait progresser sa marine de guerre vers les ports des côtes italiennes, dont elle assure que plus rien ne sortira, ni n'entrera. L'apparition concrète de l'escadre espagnole de l'amiral Pascual Cerveda y Topete au large des eaux territoriales italiennes attise immédiatement les tensions. Le journal milanais Il Secolo croit que le parti de la guerre en Espagne a pris la haute main & qu'il cherche à tout prix à ouvrir une querelle avec le royaume d'Umberto. Il est difficile, ajoute-t-il, de voir comment ce dernier, même en le supposant guidé par les conseils les plus modérés, pourrait éviter de faire un casus belli des provocations espagnoles & de l'insulte infligée à son pavillon. La situation est explosive &, en Italie, c'est le branle-bas de combat lorsque la troisième escadre se déploie au-delà de la baie de Naples & n'hésite pas un instant à ouvrir le feu. Le croiseur Reina Regente est touché & l'armada doit prendre ses distances, ce qui rend fou de rage les marins espagnols. Aucune déclaration de guerre n'a été officialisée, le combat ne peut donc se poursuivre. Mais sur terre, la partie d'échecs se poursuit. La police italienne arrête des agents ibères bien trop curieux & les emprisonne sans ménagement. Voilà qui ne va apaiser personne.

- Marche sur Tombouctou -

Il n'y a pas que les soldats & les marins à risquer leur vie pour l'honneur du drapeau national & pour le développement de la puissance & de la fortune. A côté de ces héros en uniforme, dont la glorieuse profession faite d'esprit de sacrifice, de dévouement & d'intrépidité, consiste à défendre le prestige de la patrie, il est d'autres héros, civils ceux-là, dont la mission n'est pas moins déterminante. S'il faut en croire les timides informations de la presse allemande, le Comte von Waldersee devient le chef du grand état-major impérial, le maréchal von Moltke ayant pris sa retraite. On remarque aussitôt que les Allemands envoient de nombreux explorateurs devancer la marche de leurs soldats dans les terres arides situées en amont du fleuve Niger. Le travail de ces éclaireurs est précieux pour l'avance militaire qui doit suivre. Ainsi, précisons les péripéties de l'action militaire qui emprunte la route, disons plutôt la fondrière, qui mène à Tombouctou. Car les Touaregs ne sont point disposés à céder celle que l'on nomme la Perle du désert au premier venu. Ahmadou Tall, le maître redouté de l'Empire Toucouleur de Segou rallie ses troupes. Et, pendant que trois colonnes allemandes s'imposent, l'une à Bamako, l'autre à Segou, une troisième dresse un campement au bord de la boucle du Niger, à une douzaine de kilomètres de Tombouctou, seulement. 

- L'enfer du Mozambique -

Le commandant-général des troupes du Transvaal, Piet Jacobus Joubert, poursuit son offensive contre les Grenadiers italiens en déroute au Mozambique. Le général San Marzano, qui commande cette section a, sans perdre un instant, donné l'ordre de faire rétrograder au-delà des fortifications de Beira, tous les hommes armés, quelque soit leur uniforme. Un foulard sur la bouche, on s'empresse de traverser la fumée épaisse de la brousse que des indigènes ont enflammé, on s'enferme dans la ville portuaire, où chaque chariot qui arrive est minutieusement fouillé. Excellente précaution en pareille circonstance, où tout peut cacher un danger. Heureusement pour les Italiens, les troupes sur place font partie de l'élite & sont parfaitement aguerries par leur mois de combats incessants sous les tropiques. Le général San Marzano a réussi sa retraite sans compter trop de pertes & parvient à faire installer deux pièces de canons au sommet des remparts de Beira, qui tiennent à distance les assaillants. Mais, il faut bien l'admettre à Rome, cette campagne au Mozambique est un véritable calvaire pour les hommes. Pire ! L'héroïque général Alessandro Asinari di San Marzano est abattu par le tir précis d'un tireur d'élite adverse. Les pisse-vinaigre de la Pall Mall Gazette de Londres jettent de l'huile sur le feu en indiquant que le récent déplacement de la flotte italienne dans les eaux de l'Océan Indien est la seule solution pour sauver la troupe & qu'elle peut être neutralisée par la Royal Navy à tout moment. Sans la Regia Marina - décidément très occupée - les Italiens auraient connu le déshonneur en Afrique Orientale. La guerre est chose grave dans les temps modernes & la maîtrise d'une grande flotte ainsi que le service obligatoire universel sont deux modérateurs qui doivent apaiser jusqu'aux stratèges couronnés. L'amiral Benedetto Brin arrive bien à propos à Dar es-Salaam, où il embarque du charbon qui lui a été envoyé depuis Beira, pour servir au ravitaillement des navires de guerre. D'après les avis reçus de ce port, on débarque de fortes cargaisons de farine & autres provisions de bouche. L'Italie démontre ainsi qu'elle n'abandonne pas ses soldats & qu'elle est prête à reprendre l'initiative.

- Au bord de l'océan & des lacs -

Après leur brillante conquête des Maldives, les marins français & les Grenadiers du premier corps ont reçu la permission de prendre du bon temps dans la bourgade de Victoria, aux Seychelles. L'archipel devient officiellement français & indique la volonté de la République d'être présente face aux côtes de l'Afrique Orientale, que l'on sait dangereuses & sous le feu de l'action. En attendant, les Français profitent du cadre paradisiaque pour cartographier les rivages de sable, de mangroves & de mangliers aux racines en échasses caractéristiques. A l'intérieur des terres, le bois cassant & le bois de rose aux grandes fleurs très parfumées, embaument l'air jusqu'à saturation, autour des palmiers nommés coco de mer & dont la noix en forme de fesses fait sourire le moindre esprit porté un tant soit peu sur la botanique.

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Le hameau de Blantyre, fondée depuis une dizaine d'années seulement, a été ainsi baptisé en l'honneur de la ville natale de l'explorateur écossais David Livingstone. Cet empilement de baraques en bois est atteint cette saison par les mercenaires exténués de l'Etat Indépendant du Congo, c'est-à-dire du Roi Léopold II, qui prennent possession de ce territoire nommé Nyassaland, une contrée de hauts plateaux qui domine un escarpement surplombant le lac Nyassa, le troisième plus vaste d'Afrique.

- Tribulations des Russes en Afghanistan -

Alors que l'on attendait les Britanniques dans le Pendjab, de l'autre côté de la passe de Khaïber, dans les montagnes infranchissables de l'Hindou Kouch, ce sont les Russes qui sont à la besogne, dans les vallées du Panchir peuplées de rudes tribus tadjiks & pachtounes. Les nouvelles directes font toujours défaut & il est prudent de se méfier des dépêches publiées par les journaux étrangers. Il n'empêche que certains témoignages militaires indiquent que des événements décisifs sont imminents en Afghanistan, d'autant que la situation ne peut se maintenir indéfiniment comme elle l'était au début des hostilités. Nikolaï Krasnov, général reconnu en Russie pour sa plume soignée & son monocle distingué, peut craindre des complications & progresse avec prudence. La cavalerie est l'oeil de l'armée russe & se met en charge de vérifier tous les accès aux multiples vallées, car les contrées isolées où coule un ruisseau sont depuis toujours parcourues par des bandes de guerriers malveillants. De plus, il faut attendre que les chaleurs soient moins accablantes pour opérer en force de ces côtés. La route du col du Salang reste, évidemment, une priorité absolue & le théâtre des plus féroces combats.

- Conquête de la Dzoungarie -

L'armée chinoise a lancé, avec autant de puissance que de dédain pour son adversaire, l'assaut final sur Urumtsi. Après une affaire assez chaude dans la nuit du premier au deux juillet, les Dzoungares ont évacué deux ouvrages défensifs de la muraille de leur capitale & les Chinois les ont occupés sans coup férir. L'artillerie de l'armée du Prince Su Yuanchun a neutralisé, puis refoulé, la première ligne de défense, puis une colonne, composée de soldats à pied, a attaqué l'ennemi & l'a délogé de toutes ses positions après une bataille qui a duré toute la journée. Sans prendre de repos, la troupe a poursuivi son action & la citadelle enflammée a été prise d'assaut dans un bain de sang indescriptible. On le voit, les combats ont été très durs & les massacres n'ont pas cessé avec la prise de la ville. Les violences des Chinois en Dzoungarie sont sans commune mesure, leurs cavaliers ayant rattrapé l'ennemi en fuite à l'Ouest de la ville, étripant sans distinction civils & militaires. Les pertes pour les autochtones sont considérables & les Chinois expliquent avoir anéanti le khanat pour en faire une province loyale.

- Travaux d'urbanisme -

La ville de Masqate était connue pour être l'humble capitale du royaume d'Oman. Elle est aujourd'hui magnifiée & agrandie par les soins du Sultan Abdul-Hamid II, qui souhaite en faire une ville portuaire de première importance. Elle devient majeure, afin de devenir le symbole de l'essor ottoman dans l'Océan Indien. Remarquons, que seuls les Belges, les Hollandais & les Ottomans ont développé leurs villes dans des territoires hors métropole. En Russie, c'est la vieille cité médiévale de Novgorod aux murailles séculaires, qui devient majeure. 

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Plusieurs grandes villes russes ont reçu d'appréciables crédits pour aménager des jardins & des kiosques à musique, ainsi qu'un espace zoologique pour le plaisir des habitants. Ces espaces baptisés les parcs du Tsar deviennent les lieux de promenades les plus prisés de Moscou & de Sébastopol. Le grand port de la Crimée reçoit de surcroît le rôle d'académie navale pour la Sainte-Russie. 

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Le concours Lomonosov s'est déplacé à Londres pour sa troisième édition & annonçait une rendez-vous des ingénieurs du Monde entier. Toutefois, perdant de son prestige, ce concours n'a reçu la visite que d'un scientifique russe, Vladimir Choukhov, qui propose de révolutionner le domaine de la conception des structures métalliques, en calculant les déformations des treillis. Du côté britannique, on se contente de présenter l'appareil photographique instantané inventé par George Eastman. Ce dernier introduit immédiatement sur le marché le Kodack n°1, un appareil qui peut être utilisé par tous & qui peut prendre jusqu'à cent photographies circulaires. L'appareil doit cependant être envoyé en usine, où le film est enlevé & développé. Il est ensuite rechargé & réexpédié à son propriétaire. 

- Compagnies ferroviaires -

Les ingénieurs belges étendent le réseau d'Afrique centrale en construisant une voie ferrée de Lusaka à Blantyre, dans une ambiance de grande méfiance. Toutes les stations sont surveillées, depuis que l'on chuchote que les Italiens veulent faire sauter les rails de la région. Dans les Antilles, l'Espagne crée une ligne entre Saint-Domingue & Port-au-Prince, pendant que les Mexicains posent quelques kilomètres de rail vers le Guatemala, dans le dédale géographique de l'isthme de Tuhantepec & de la Sierra Madre. 

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Les paquebots allemands, réputés pour leur confort & leur célérité, se lancent à l'assaut des antipodes en reliant dès à présent les destinations les plus lointaines, comme Sydney ou Perth en Australie. Leurs concurrents de la compagnie néerlandaise développent les entrepôts de charbon & les cuves à pétrole partout où ils le peuvent, afin d'assurer un ravitaillement efficace aux navires de la K.O.C.

- Découverte d'un site maya -

Une équipe d'archéologues américains a réussi à défricher le site de Tazumal, près de la ville de Chalchuapa au Salvador, pour en faire resplendir les vestiges remarquables d'une ville construite jadis par les Mayas. De superbes sculptures ont été mises au jour, ainsi que les plus anciens objets en métal d'Amérique Centrale. C'est une civilisation entière qui sort des ombres du passé grâce aux fouilles & au travail de restauration. Le Président Cleveland, qui a apporté son soutien personnel à l'aventure, déclare dans la presse locale que "le nettoyage des pyramides à étages de la région prouvent l'ancienneté des peuples d'Amérique & leur grande prospérité, à une époque où les Européens subissaient les ténèbres du Moyen Age".

Les Américains se montrent un tantinet taquins lorsqu'ils se déplacent en nombre pour voir la pièce de théâtre intitulée le Roitelet (The Kingbird), une oeuvre satyrique qui triomphe chaque soir sur la scène d'un théâtre de Broadway, à New York. La communauté italienne n'apprécie guère, car la pièce met en scène les activités douteuses d'un ambitieux migrant nommé Umberto, qui tente par tous les moyens de s'enrichir au royaume imaginaire de Sawazali. Le parallélisme avec le Roi d'Italie est évident & aiguise les avis sur l'indéniable message politique.

- Assassinat d'un explorateur en Arabie -

La dernière lettre de Julius Popper, un explorateur roumain qui se prétend engagé par le Sultan de Constantinople, était datée de Djeddah le 20 juin de cette année. Malgré les dangers de l'entreprise, monsieur Popper projetait de parcourir l'Arabie pour le compte d'une société de Géographie & espérait arriver dans un port du golfe persique avec le fruit de son fastidieux travail. Mais aujourd'hui, le télégraphe du consulat de Dammaam nous apprend que le vaillant explorateur n'a jamais dépassé la ville de Riyad, où il aurait été égorgé avec ses hommes, victime d'une exaltation religieuse qui subit dans la péninsule une recrudescence inquiétante. Le caravansérail qu'il occupait a été sauvagement attaqué & tous les étrangers assassinés. Il faut savoir que la Confrérie de Sidi Mohammed Ben Ali es-Senoûsi étend chaque jour son emprise sur les populations musulmanes, aussi bien d'Afrique que d'Asie. Ainsi, en Arabie, la Sublime Porte elle-même devient la cible des fanatiques. Le cri de guerre des Senousis n'épargne pas plus le chef des Croyants que les Chrétiens ! "Turcs & Européens se valent, disent-ils. Que tous soient brisés". Voilà qui ne va pas plaire au Sultan, qui tient à son titre de Calife de l'Islam, depuis sa montée sur le trône. Voilà qui va surtout demander un grand travail au niveau des méninges, car l'adage suivant "à qui profite le crime" ne débouche sur aucune évidence.

- Elections américaines -

Malgré un bulletin de météorologie superbe, le temps politique est, lui, incertain à Washington. La campagne électorale bat son plein & les paris sont ouverts entre le Président Grover Cleveland, leader du Parti Démocrate & le candidat du Parti Républicain, Benjamin Harrison. Il semble que la clé de voûte du scrutin américain soit située dans l'Etat de New York, d'où est originaire Monsieur Cleveland. Ce dernier se montre confiant, en raison de son bilan économique, de la fin des guerres indiennes & de son excellente politique internationale. La convention des Républicains, qui se tenait à Chicago, a dû réaliser huit tours de scrutins pour désigner Benjamin Harrison, devant le sénateur John Sherman & le gouverneur du Michigan Russel Alger.

- Nouvelle concession en danger -

A la lueur de ce qui se trame en Chine, les observateurs européens & américains ont de quoi se tracasser. Les voyageurs rentrent d'ailleurs de plus en plus contrariés, voire horrifiés par les actions xénophobes de plus en plus ouvertes contre ceux que les Mandarins surnomment peu affectueusement les Longs-Nez. Les Britanniques ont perdu leur concession de T'ien-tsin en 1885 après un court conflit confus. Aujourd'hui, de grandes manifestations anti-américaines se déroulent chaque jour à Shanghai, où le peuple fiévreux exige le départ de la légation des Etats-Unis & l'interdiction de lever des troupes dans la concession. Charles Denby, ambassadeur plénipotentiaire à Pékin, est outré & demande immédiatement des comptes au Prince Yung-Lu, maître du Tsung-Li-Yamen, c'est-à-dire de l'organisme chargé de la politique étrangère. L'armée du Céleste Empire va devoir intervenir pour calmer la foule ou lui donner raison. Comment vont réagir les Américains ? Et que se passera-t-il si la concession française à Canton subit le même outrage ?

- Emeutes populaires -

La situation la plus inquiétante était localisée à Trieste & l'Empereur a dû sévir au sein du ministère de l'Intérieur, ainsi qu'au siège du quartier général des armées pour faire comprendre aux officiers les plus obtus la dangerosité d'une ville en rébellion, surtout dans un empire aux populations aussi bigarrées qu'un kaléidoscope. Le général Comte Friedrich von Beck-Rzikowsky a été chargé d'intervenir prestement. Deux corps d'armée & une escadre se sont mis en branle pour encercler la ville & rétablir la situation. Rien que ça !

De même, la grève de Kobe est mâtée avec la plus grande fermeté & l'envoi de deux corps d'armée complet, soit cent mille hommes ! Les hauts fonctionnaires de l'Empereur ne plaisantent pas lorsque le drapeau nippon est souillé. Aussi, ordre a été donné d'exécuter sans ménagement les Yakuzas, c'est-à-dire tout membre d'un groupe du crime organisé, qui ont encouragé la grève. Le Prince Hirobumi, Premier ministre de Sa Divine Majesté Mutsu Hito, soupçonne une ingérence étrangère & fait savoir au monde que les voyageurs étrangers seront scrutés, les navires fouillés. La haine ambiante est de plus en plus flagrante & les Japonais, comme les Chinois, cachent de moins en moins bien leur répugnance pour les Occidentaux !

Dans Astrakhan, la contestation était vive & le journal local indiquait que la Garde du Tsar allait certainement intervenir. Cela avait de quoi calmer rapidement les séditieux. Mais, alors que la ville retrouvait la sérénité, les militaires ont fait explosé un obus d'un calibre jamais vu. Toute la ville en tremble encore & les journalistes curieux indiquent qu'ils s'agirait d'un obus contenait des matières chimiques. L'hôpital a été pris d'assaut par des familles souffrant de maux oculaires & de quintes de toux ininterrompues.

- Consortiums -

Monsieur Victor Tesch, député permanent de la province du Luxembourg, devient le gouverneur de la banque de la Société Générale de Belgique, un nouvel organisme financier. Le charbonnage du Mambourg vient compléter la volonté belge de devenir la nation la plus industrielle du Monde.

Le Président du Salvador, Francisco Ménendez, a été approché par un industriel européen & accepte de changer de fournisseur. Son marché passe de main en main.

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Alimentaire : Abyssinie (AUTRICHE), Argentine, Ceylan (ROYAUME UNI), CHINE, ITALIE, MEXIQUE, TURQUIE.

Armement : AUTRICHE, BELGIQUE, CHINE, ESPAGNE, FRANCE, ROYAUME UNI, Suède.

Banque : AUTRICHE, BELGIQUE, FRANCE, JAPON, ROYAUME UNI, Suisse.

Chantier naval : BELGIQUE, ESPAGNE, Grèce, JAPON, ROYAUME UNI.

Charbonnage : ALLEMAGNE, BELGIQUE, ETATS-UNIS, Mandchourie (CHINE), Mozambique (Transvaal).

Chimie : ALLEMAGNE, JAPON, Norvège, ROYAUME UNI.

Gisements : Brésil, Congo (BELGIQUE), Etats Malais (PAYS-BAS), Matebeleland (ROYAUME UNI), Nigeria (ALLEMAGNE), RUSSIE.

Machines outils : Danemark, ITALIE, JAPON, PAYS-BAS, RUSSIE.

Mines : Australie, Côte d'Or (ESPAGNE), Katanga (BELGIQUE), MEXIQUE, RUSSIE, Transvaal.

Pétrole : Azerbaïdjan (RUSSIE), Birmanie (PAYS-BAS), ETATS-UNIS, Roumanie, Sumatra (PAYS-BAS).

Sidérurgie : BELGIQUE, ESPAGNE, JAPON, MEXIQUE.

Tabac : Barbade (ROYAUME UNI), Cuba, JAPON, MEXIQUE, Nicaragua, TURQUIE.

Textile : AUTRICHE, BELGIQUE, Corée (JAPON), Egypte (TURQUIE), Gujarat (ROYAUME UNI), Maroc (FRANCE), Pendjab.

Verrerie : AUTRICHE, BELGIQUE, Canada, CHINE, FRANCE, Perse.

DATE LIMITE DE L'AUTOMNE 1888 : VENDREDI 15 DECEMBRE