TROISIEME GUERRE DE L'OPIUM

L'ambassadeur britannique à Pékin, Sir Nicholas O'Connor, rencontre le Prince Yung-Lu, afin de lui signifier l'état de guerre entre leurs deux nations. Sans raison particulière, le Royaume Uni de Grande Bretagne & d'Irlande déclare punir la Chine, en prétextant une inquiétude quant à la bonne marche des affaires & du commerce dans la région. L'ordre de mobilisation ne surprend plus personne dans l'Empire du Milieu, qui connaissait déjà de vifs problèmes. Par contre, tous le voiles se sont déchirés dans les jours qui ont suivi. Si un doute pouvait subsister sur l'intimité stricte des liens qui unissent certaines nations d'Europe, la proclamation adressée par la Reine Victoria à son peuple le dissipera ; "le Royaume Uni n'est pas seul ; avec lui sont les Pays-Bas". C'est la retraite coupée si, par aventure, un des conjurés avait eu quelque velléité à fléchir.

- La Chine accablée -

D'après une dépêche de Shanghai, que nous reproduisons sans en garantir l'authenticité, il apparaît que l'état-major de l'Impératrice vit des heures sombres. Une déclaration du Prince Yung-Lu, que nous pouvons traduire par "l'honneur à l'étendard national doit être prioritaire", démontre l'effroi qui règne dans le chef des hauts fonctionnaires de la Cité Interdite. Sur le terrain, personne ne comprend les aspirations des officiers & encore moins la peine des soldats. Seule l'Impératrice peut se permettre d'avoir l'immense chance de ne jamais être traversée par un doute affreux. Le doute... Voilà bien le poison que les courtisans distillent en toutes circonstances, alors que le maître des armées impériales, le général Li Hong-Chang doit agir. Il décide d'envoyer toutes les jonques disponibles dans la rade de Séoul, pour hâter l'évacuation de la Garde, en mauvaise posture - c'est un euphémisme - contre l'armée coréenne. La Garde impériale est sauvée in extremis, la flotte est éreintée, mais ce cortège piteux peut rentrer à Shanghai, pendant que la Chine admet sa défaite contre ce premier ennemi. L'Impératrice T'seu-Hi, dont le vif esprit est partout reconnu, complète cette décision en ordonnant une levée en masse. Ceci afin de sauver la dynastie, car la foudre s'abat une seconde fois sur Pékin !

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L'insulte fait au drapeau britannique n'est pas claire, mais la réponse du Foreign Office claque comme le tonnerre lorsque le Royaume Uni déclare officiellement la guerre à l'Empire du Milieu. Ce dernier est en danger de mort, après sa déroute en Mandchourie, son revers sans équivoque en Corée & ses tracas de mutinerie à l'arsenal de Wuhan. La Royal Navy est en route, un corps de Fusiliers gallois menace déjà Tien-T'sin & la situation devient cauchemardesque lorsque les Pays-Bas entrent dans la danse. Partout dans le monde, les éditorialistes s'interrogent sur les raisons obscures de cette guerre, qui produit une impression profonde dans les sphères politiques d'ici & l'on dit ouvertement que l'Angleterre n'aurait jamais osé violer ses promesses formelles sans compensation.

- Au-delà de la Méditerranée - 

Ce matin, les ministres se sont réunis à l'Elysée, sous la présidence de Monsieur Jules Grévy. L'ordre du jour s'est cristallisé autour de la campagne au Maroc, où les forces françaises s'engagent véritablement. De Marseille, les convois ne cessent d'emporter de vaillantes unités, parmi lesquelles le quartier général a placé les Grenadiers. Ce corps d'élite mené par le colonel Louis André seconde le travail engagé par les Chasseurs d'Afrique, sans état d'âme, en surgissant de la frontière algérienne, à l'Est de Fès. Le colonel André a pu occuper Oujda, pour traverser le couloir de Taza dans le Rif, avec l'objectif de surprendre les défenseurs de Fès, par un engagement heureux, tout en niant énergiquement les potins locaux. Non, il n'est pas vrai que les soldats français ont fait subir des tortures aux prisonniers. D'ailleurs, les Grenadiers, qui ont infligé au Sultan Moullay Hassan une rude leçon au combat de Taza, se sont avancés hardiment vers Fès par le col d'al Gharbia & ont lancé toutes leurs forces pour s'emparer de la capitale. La bataille a été terrible & les Français peuvent hisser fièrement leur bannière au sommet du minaret de la mosquée Al Quaraouiyine. 

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C'est juste en début d'après-midi, que le colonel De Cristoforis a été reçu au palais du Quirinal à Rome, par Sa Majesté Umberto, ainsi que par le ministre des Affaires Etrangères & le ministre de la Guerre. Le héros de Tunis a rendu compte de la mission militaire qu'il a remplie en Afrique. Le Roi d'Italie a exprimé toute sa satisfaction pour ses services comme commandant en chef du corps expéditionnaire. La Tunisie devient italienne, avant même que les renforts ne se soient mis en route. 

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Ce soir, le Comte Mikhaïl Reutern, Président du Conseil des ministres de la Sainte Russie, tient à rassurer tous les diplomates d'Europe suite à l'intervention de son pays en Géorgie. Le Tsar exige que cette province soit immédiatement rattachée à son empire, sans imaginer gêner qui que ce soit. La Russie montre ainsi qu'elle a foi dans ses ressources & dans son avenir, sans représenter un dévoreur de terres à l'appétit décuplé par les siècles. Pour vaincre avec célérité, les Russes n'attaquent pas les Géorgiens par un accès terrestre compliqué. Ils contournent l'obstacle caucasien par la mer & débarquent à Soukhoumi, porte d'entrée de la grande plaine de l'ancienne Colchide.

- Carnets coloniaux - 

En Afrique, les Belges & les mercenaires enrôlés par le Roi Léopold II explorent timidement les confins du Kasaï & entrent au Katanga, en y envoyant à la suite d'éclaireurs le corps de Chasseurs du colonel Alphonse van Gele. Au-delà de Luluabourg & de sa dense forêt, la progression est lente & prudente, à travers un relief monotone loin des grands cours d'eau, où chaque village doit être débarrassé des trafiquants arabo-swahilis de Zanzibar, faisant commerce d'esclave & d'voire. De vrais ordures, dont le Roi des Belges doit impérativement repousser les raids au plus loin de ses terres. Mais, dans la savane menant au haut plateau de Kamina, van Gele a le déplaisir de rencontrer des tribus hostiles, ainsi que des trafiquants bien organisés.

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Dans l'Orient extrême, l'amiral Courbet a quitté le mouillage de Canton. Il doit avoir opéré à l'heure qu'il est son débarquement à Hué, dans la région de l'Annam, que la France prétend dominer. Cette action militaire n'empêche nullement les négociations en vue de la paix de se poursuivre. Mais il est clair que la France veut montrer que plus son action sera vive, plus la victoire sera possible. C'est pour cela que la République engage de nouvelles troupes en Annam & pas n'importe lesquelles ; la marine a transporté la Légion Etrangère, qui bouscule aussitôt les lignes de défense de l'Empereur Dong Khanh. Chargés de miner & de faire sauter les forts d'avant-garde, les Légionnaires s'acharnent ensuite à déloger les défenseurs retranchés, avant de donner l'assaut à la citadelle de Hué, assaut mené au pas de charge. Paris communique que le général Henri Roussel de Courcy est aussitôt nommé Résident général du protectorat français en Annam, ce qui suggère une victoire actée.

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Nous apprenons par le bureau télégraphique d'Amsterdam, que des opérations sont pilotées modestement à la pointe de la péninsule malaisienne. Le ministre de la Guerre en a reçu la confirmation dans une dépêche qui ne rassure personne. En effet, le Radjah Abu Bakar Temenggong de Johore n'est guère disposé à laisser les Bataves s'installer à Singapour. Pourtant, les Hollandais sont bien là, acheminés par bateau depuis Java. Disposés à accomplir le reste du chemin à pied, les hommes du général Otto van Rees se rendent vite compte qu'un paquetage, un fusil & un sac de trente kilos sur le dos, sous un climat équatorial, ça vous plombe les semelles. Néanmoins, l'opération devient un succès lorsque la marine néerlandaise apporte un appui lourd de ses canons de douze pouces (305 mm). Singapour est prise, baïonnette au poing.

- Age du progrès - 

En deux saisons seulement, certaines nations ont pris un avantage flagrant dans la modernisation de leurs communications terrestres & maritimes.

D'abord, le Président Cleveland revient à de meilleurs sentiments envers les compagnies maritimes étrangères & accepte finalement que tous les paquebots d'Europe puissent accoster dans les ports américains... exceptés les navires italiens, qui semblent "ne pas répondre aux normes techniques & de sécurité exigées aux Etats-Unis". Et, comme pour poursuivre le défi, la compagnie américaine ouvre une ligne en Méditerranée, pour relier directement New York à Constantinople.

Pendant ce temps, les Britanniques se contentent d'organiser un transport de passagers par le Canada. Plus surprenants encore, les Hollandais créent une compagnie pour voyager sur les grands fleuves, comme l'Amazone ou l'Orénoque.

C'est dans le contexte de cette compétition assez molle, qu'interviennent les Japonais, qui n'hésitent pas à lancer de grands bateaux vers les plus belles destinations, s'imposant partout avec brio. La Toyo Kisen KK de Yokohama devient rapidement la compagnie la plus présente & la plus efficace du monde.

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L'Italie poursuit son magnifique essor & place des parallèles d'acier depuis Gênes vers Milan, via Turin, & de Milan vers Venise. Aussi dynamique, l'Autriche se vante de placer Vienne au-dessus des cités les plus ferventes, en érigeant sa quatrième gare, Trieste & Cracovie étant maintenant sur les affiches de voyage de la compagnie nationale. Toujours plus forts, les Allemands réalisent la jonction internationale à Dresde, avec le réseau autrichien. Pour cela, les ouvriers du IIe Reich ont travaillé de Berlin à Leipzig, puis ouvert deux voies. La première vers Francfort, la seconde vers Dresde, où le Kronprinz est venu inaugurer la gare centrale.

Au Mexique, les ingénieurs sont nettement moins ambitieux & se contentent d'ériger une gare dans la capitale, puis d'avancer de quelques kilomètres, sans réelle destination. Aux Pays-Bas, on se démène cette fois sans les Belges, avec une voie qui part d'Amsterdam pour Groningue & la frontière allemande.

Et les Belges ? Ils continuent de travailler partout où on a besoin de leur savoir-faire, reconnu depuis la création de la Compagnie internationale des Wagons-lits, dont l'Orient Express est le plus bel exemple. On les retrouve cette fois en Moldavie, à poser des ponts sur le Prout & sur le Dniestr, entre Bucarest & Odessa, faisant croître la renommée de l'acier Cockerill.

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Les influences économiques sont bouleversées par l'arrivée d'un puissant concurrent. Ainsi, six pays neutres ont changé de fournisseur : Argentine, Canada, Luxembourg, Perse, Suède, Uruguay. D'autres clients ont été approchés & convaincus : Corée, Egypte, Mandchourie & Transvaal. Il reste néanmoins de nombreux pays à conquérir commercialement.

- Nouvelles internationales -

A Londres, les journaux s'inquiètent de la guerre, qui va immanquablement aspirer toutes les forces britanniques vers l'Orient, sans pouvoir poursuivre la colonisation avortée de l'Afrique. Mais dans l'archipel, personne n'a oublié le drame de Khartoum & les esprits les plus vaillants réclament une  intervention contre l'Egypte ou le Soudan, avec le plus grand sérieux.

L'Empereur François-Joseph, un souverain d'excellente réputation, travaille à rendre sa double monarchie plus belle & demande à son gouvernement de ne pas oublier l'instruction de ses jeunes têtes blondes. C'est pourquoi de substantiels crédits ont été alloués pour financer les écoles & les bibliothèques du pays.

L'Entente cordiale est le terme qu'ont choisi leurs Altesses, le Roi des Pays-Bas & le Roi des belges, pour confirmer leur paisible voisinage & leurs projets pacifiques. Voilà pourquoi Sa Majesté Léopold II a-t-il étrenné son nouveau train, dont les voitures atteignent un luxe inégalé, pour se rendre à Amsterdam & saluer officiellement le Roi Wilhelm III & sceller ainsi un accord diplomatique sous les banderoles & les airs de fanfare.

- Révoltes en cours -

A Nagoya, nous avions laissé les autorités nipponnes se dépêtrer d'une fronde engendrée par des insurgés ruinés par les réformes fiscales mise en place lors de la "restauration de Meiji". Ces rebelles ont attaqué un bâtiment du gouvernement & plusieurs bureaux de prêts pour détruire les rapports de leurs dettes. L'étendue de la révolte prend aujourd'hui de graves proportions, la populace étant armé de lances en bambou, de fusils de chasse & de bombardes en bois. L'armée impériale n'a donc pas hésité à déployer une force de frappe impitoyable, symbolisée par le roulement d'un feu nourri dévastateur, pour étouffer dans l'oeuf cette misérable révolte. Quelques jours après la reprise du siège du district, les insurgés se sont retrouvés encerclés dans la plaine de Nobi. Près de trois mille personnes ont été arrêtées, trois cents condamnées pour acte criminel & les sept meneurs pendus en place publique. Le gouvernement & la presse nationale expliquent cet épisode sans évoquer le moindre sentiment & décrivent les rebelles comme de simples voyous. L'affaire est close.

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L'Europe est épargnée par les problèmes, assurément parce que les hommes d'Etat ont développé une administration efficace. Ailleurs, il apparaît que les nations soient moins expérimentées dans la gestion des sautes d'humeur populaires. En Chine, une mutinerie est signalée dans le nouvel arsenal de Wuhan, où l'armée est attendue avec la plus grande impatience. Un autre tracas est heureusement évité lorsque la troupe & les vigiles de la capitale mettent à jour un complot mal préparé. La police secrète de l'Impératrice dit avoir intercepté des agents étrangers à Pékin ; aussitôt, l'ambassadeur de Chine à Amsterdam exige une entrevue avec le Premier ministre hollandais, afin de résoudre cette affaire délicate. A suivre...

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Aux Etats-Unis d'Amérique, les raids apaches continuent de perturber la cohésion de l'Union. Les habitants de l'Arizona craignent pour leurs filles, leurs fermes, leurs troupeaux & cette atmosphère se répercute jusque dans les grandes villes, comme Phoenix. Le Président a compris, ô combien, il fallait réagir pour endiguer ou éliminer ce danger. En conséquence, voit-on plusieurs régiments de cavalerie converger vers l'Arizona.

- Consortiums actuels -

Alimentaire : Abyssinie, Argentine, Ceylan, CHINE, ITALIE, TURQUIE.

Armement : AUTRICHE, BELGIQUE, CHINE, Suède.

Banque : FRANCE, JAPON, ROYAUME UNI, Suisse.

Chantier naval : ESPAGNE, Grèce, JAPON, ROYAUME UNI.

Charbonnage : ALLEMAGNE, ETATS-UNIS, Mandchourie, Mozambique.

Chimie : ALLEMAGNE, Norvège.

Gisements : Brésil, Congo (BELGIQUE), Etats Malais, Matebeleland, Nigeria, RUSSIE.

Machines outils : Danemark, ITALIE, PAYS-BAS.

Mines : Australie, Côte d'Or, Katanga, MEXIQUE, RUSSIE.

Pétrole : Azerbaïdjan, Birmanie, ETATS-UNIS, Roumanie, Sumatra (PAYS-BAS).

Sidérurgie : BELGIQUE, ESPAGNE, MEXIQUE.

Tabac : Barbade, Cuba (ESPAGNE), JAPON, Nicaragua.

Textile : Corée, Egypte, Gujarat (ROYAUME UNI), Maroc (FRANCE), Pendjab.

Verrerie : AUTRICHE, Canada, CHINE, FRANCE, Perse.

DATE LIMITE DE L'AUTOMNE 1885 : VENDREDI 13 JANVIER.

NB : encore un abandon & deux ONRs pour le second tour... Il a fallu sabrer !

Cette fois, l'équipe est en place & la rédaction du journal L'ILLUSTRATION espère que les dates limites seront respectées.