CHANSON D'AUTOMNE

Les sanglots longs des violons de l'automne, bercent nos coeurs d'une langueur monotone. Tout suffocant & blême quand sonne l'heure, le peuple du grand Othman à la longue moustache pénètre sur un échiquier au vent mauvais en s'imposant à l'embouchure du fleuve Indus. Les Turcs, qui apprécient que l'on parle d'eux, savent-ils qu'ils s'aventurent dans le souffle insaisissable de l'Asie centrale, cette partie du monde qui est le symbole de la rivalité coloniale & diplomatique entre la Russie & le Royaume Uni ? Comme la France qui a été sanctionnée en Egypte, comme l'Italie qui est punie au Transvaal, l'Empire Ottoman pourrait subir les foudres de quelque mécontent.

- Chanson d'automne - 

A Berlin, l'Empereur Guillaume a passé, à midi, le régiment de Dragons de la première armée en revue, uniquement pour que l'on parle de lui. Pour cela, il s'est rendu au champ de manoeuvre en voiture, avec le Comte de Lehndorff, son aide de camp. L'Impératrice & la Princesse Victoria, épouse du KronPrinz, l'y avaient précédé. Alors que les tilleuls s'étiolent de leurs feuilles pâles dans un brouillard grisâtre, les correspondants étrangers observent avec intérêt les efforts de l'Allemagne en vue de perfectionner les rouages de son organisation militaire. Mais il est déjà temps de scruter les horizons lointains car, à vrai dire, c'est loin de l'Europe que les plus belles épopées se dessinent.

- Prise de Karachi - 

Après la mousson de l'été & la défense acharnée des autochtones, les Ottomans pavoisent désormais à Karachi & contrôlent tout l'Etat du Sind & du Baloutchistan où, selon l'expression du général Bulkat, le ciel est nettoyé de ses nuages. Les Turcs s'ouvrent de nouvelles perspectives en regardant vers Kaboul & Lahore. Mais oseront-ils se lancer dans une telle offensive ? Ces régions font partie du "Grand Jeu" entre l'Angleterre & la Russie depuis des décennies & il n'est guère prudent d'aller piétiner des chasses gardées. Le Sultan est un homme avisé & convoque les meilleurs officiers de l'empire dans son bureau, pour analyser la situation avec circonspection. Que ce soit ou non une question d'honneur, l'Afghanistan & le Pendjab sont dorénavant des pays épiés & convoités.

- Dans les Khanats de Khiva & Boukhara - 

Par une chaude journée d'automne, la steppe déserte s'étend à perte de vue sous le soleil. Un convoi de trois voitures attelées roule sur la route de Sibérie, pour rejoindre le corps d'armée des Lanciers du général Nikolaï Krasnov. Les Russes continuent de se servir & ne comptent nullement partager. Pour cela, ils poursuivent leur cavalcade dans les steppes d'Asie centrale, avec pour but cette fois de prendre d'abord l'oasis de Khiva. Cette dernière est une ville splendide aux coupoles bleues, mais le Khan local ne la défend pas ; il concentre tous ses effectifs devant Boukhara. Les Russes ne devraient en faire qu'une bouchée. 

- Offensive en Dzoungarie - 

L'ambassadeur russe à Pékin informe en urgence le ministre des Affaires Etrangères Nikolaï Girs, que les Chinois mènent tout à coup des opérations que l'on peut qualifier de sérieuses en Dzoungarie, certainement en vue de prendre Urumtsi, l'ancienne Besh-Balig. Au pied du versant Nord des montagnes du Tian Shan, la capitale des Mongols dzoungares & des Ouïghours est, selon les géographes, la ville la plus continentale du monde, c'est-à-dire la ville la plus éloignée des océans. La Dzoungarie subit un climat très particulier & les Chinois en découvrent les extrêmes, entrant dans le pays sous des températures accablantes, le thermomètre s'effondrant soudainement pour passer sous le zéro dès la fin du mois d'octobre ! A Pékin, on reste discret, mais dans le quartier des légations, on s'agite. Le Prince Tuan, le plus proche conseiller de l'Impératrice douairière, doit inviter les ambassadeurs & ménager le représentant du Tsar par quelque flatterie. Mais ces belles paroles ont-elles été d'un caractère tout à fait rassurant ? Nous n'en connaissons pas les aboutissants.

- Marche sur Addis-Abeba - 

Les soldats autrichiens & hongrois veulent donner une crâne idée de la puissance militaire de la Double monarchie. Les opérations se poursuivent cependant avec des troupes malmenées & l'enregistrement d'une défaite retentissante bien avant d'atteindre Addis-Abeba. Sur la piste qui mène à la capitale, les Abyssins ont coupé tous les arbres, afin de prévenir toute surprise. La principale armée, qui était usée jusqu'à la corde, est repérée & anéantie à Ashbé Teferi, à mille huit cents mètres d'altitude. Les Autrichiens, qui se voyaient vaincre à trois contre un, sont consternés & découvrent que l'adversaire utilise de l'artillerie et des fusils d'excellentes factures, provenant de Belgique. L'Archiduc von Teschen doit renforcer ses positions en accueillant avec acrimonie une nouvelle armée venue directement d'Europe - une fois de plus contre toute logique militaire sous ces latitudes & sur ces reliefs compliqués - ainsi qu'en tentant des approches avec les adversaires du Negus Negest. Ainsi, les Autrichiens encouragent Ménélik, le Prince du Choa, à déstabiliser le règne de Yohannès IV, Roi d'Ethiopie. Mais sur le terrain, les Abyssins continuent de perturber les plans adverses & il faut une intervention des Grenadiers du Comte Friedrich von Beck pour stabiliser les positions.

- Contre-marche au Barotseland - 

Derrière le paravent de l'Etat Indépendant du Congo, l'armée belge poursuit sa rafle dans les profondeurs de l'Afrique. Léopold II, le plus grand propriétaire foncier qui ait jamais existé, encourage ses mercenaires à agrandir ses possessions. Toutefois, le colonel van Gele, qui vient d'offrir au souverain des Belges un nouveau territoire dans le Haut-Zambèze, doit revenir sur Lusaka, après une attaque des Barotses du Roi Lewanika. Dans la panique occasionnée par la grêle de sagaies qui tombait sur eux, beaucoup de soldats & de porteurs sont blessés ou tués. Les vivres, armes munitions, objets d'échange, papiers ont été, parait-il, perdus ou tombés entre les mains des indigènes. C'est à travers mille dangers & au prix de la plus grande énergie que le colonel van Gele aurait pu rejoindre Lusaka avec ses hommes survivants. Malgré cela, rasséréné par la bonne conduite des travaux de chemin de fer dans la région, van Gele peut envoyer une lettre optimiste à son supérieur.

- La dernière mission de Stanley - 

Vous l'aviez oublié ? Vous n'avez pas de coeur... Henry Morton Stanley, parti depuis neuf mois à la recherche d'Eduard Schnitzer, a réussi à atteindre les frontières de l'Etat Indépendant du Congo, après avoir perdu les deux tiers des hommes de son expédition. Maladies, désertions, embuscades, rien ne lui a été épargné. Il est maintenant dans un territoire en état de guerre permanent, en Ouganda, juste au Sud du Soudan que les derviches fanatisés du Mahdi refusent obstinément aux Européens. D'après les dernières nouvelles, Eduard Schnitzer, qui a accumulé un fabuleux trésor en ivoire estimé à plusieurs millions de Livres Sterling, est dans la région du Lac Albert Nyanza mais, pour l'instant, il demeure introuvable. Epuisée, la colonne Stanley doit échanger une partie de son équipement contre de la nourriture à des marchands d'esclaves. Le célèbre explorateur refuse d'abandonner les recherches & ordonne que l'on fortifie une position près du lac - le plus riche en poissons du monde - car ses hommes sont affamés & doivent trop souvent répondre par une dispendieuse fusillade aux attaques des peuplades locales. Lors d'une patrouille au Sud, le porteur de fusil de Stanley s'écrie : "Regardez Monsieur, cette montagne est couverte de sel !" Scrutant dans la direction indiquée, Stanley aperçoit une montagne bleue d'une hauteur prodigieuse & dont la cime porte une calotte de neige. Il ne peut qu'admirer les monts de Ruwenzori, identifiés comme les mythiques Montagnes de la Lune contées jadis par Hérodote. Le lendemain, une intuition lui donne raison ; si Emin Pacha est le dernier gouverneur européen sur le Nil, il doit posséder un bateau à vapeur. Il faut donc faire le tour du lac & le trouver. La rencontre des deux chefs se déroulent quatorze jours plus tard & est fêtée avec trois bouteilles de champagne transportées depuis le Congo.

- Exploration en Afrique de l'Ouest - 

L'explorateur allemand Friedrich Bohndorff est chargé par le gouvernement du Reich & par les puissantes universités de Berlin & de Leipzig d'organiser une expédition dans les pays qui bordent le Sahara, afin de cartographier les régions peu connues. Parti depuis la récente colonie allemande du Dahomey, ce voyage est immédiatement relayé par la presse nationale, qui suit pas à pas, comme un roman feuilleton, les tribulations de ces hommes qui ont dans leurs rangs une dame intrépide, Elena van den Ende. Très vite Bohndorff quitte le confort des trains allemands pour s'enfoncer dans les savanes du Niger & de la Haute Volta, jusqu'au Sahel. Aucune richesse n'est relevée dans ces pauvres contrées sèches, mais l'expédition permet d'en connaître plus sur les peuples Haoussa, Mossi, Peul & Touareg, ainsi que sur une faune exceptionnelle dominée par les éléphants & les girafes.

- Hold up en Méditerranée - 

Malgré une mer mauvaise, la division des torpilleurs de l'escadre du Levant a quitté Naples hier matin, afin de précéder les cuirassés de l'amiral Benedetto Brin. Ce dernier, qui est aussi le ministre des Affaires étrangères de son pays - véridique ! - hisse son pavillon sur le cuirassé Regina Margherita & décide d'intercepter la marine marchande des nations non déclarées alliées de l'Italie. Aussitôt dit, aussitôt fait, l'escadre italienne déploie ses navires entre Gênes & la Corse, ainsi qu'entre Tunis & la Sicile & arraisonne dès l'abord un cargo espagnol pour ensuite confisquer sa marchandise. La dernière édition du journal La Vanguardia édité à Barcelone dit que les cercles compétents du royaume ne sauraient douter de la détermination italienne & insiste sur le fait de la surprise totale. Voilà une bien singulière pratique, qui ne peut que déplaire au client, mais aussi au vendeur, puisque la cargaison était  du coton des Indes britanniques ! 

- Fouilles de grandes ampleurs - 

Les Ottomans ont repris leurs travaux archéologiques & fouillent cette fois la région à l'Est d'Ankara, sur le plateau d'Anatolie. Ils mettent à jour un site qui avait été simplement consigné il y a quarante ans & progressent soigneusement dans son étude. La porte des Lionnes indique l'entrée de la citadelle d'Hattusas, la capitale d'un royaume que l'on avait du mal à identifier. C'est chose faite, avec la traduction des "Lettres d'Amarna" retrouvées cette année en Egypte, des tablettes d'argile d'une correspondance diplomatique qui parlent justement des Hittites. Un ingénieur archéologue, qui bourlingue depuis des années au Levant & en Egée, Carl Humann, rejoint la mission turque & accélère la mise en valeur du site avec ses six kilomètres de murailles. Surtout, il trouve des tablettes dans la partie correspondant au palais royal, qui confirment immédiatement une mise en parallèle avec celles découvertes en Egypte. Les Turcs viennent de rouvrir l'histoire des Hittites & de leurs rois conquérants.

 - Coup de théâtre à Paris - 

Suite aux tensions des derniers mois, le Président de la République, Monsieur Jules Grévy, a chargé Maurice Rouvier de former un nouveau gouvernement. Celui-ci a obtenu la neutralité de la droite & constitue cejourd'hui un cabinet modéré d'où le belliciste général Boulanger est écarté. Tout semble aller pour le mieux, lorsque le Président en personne est poussé à la démission, en raison du scandaleux trafic de décorations organisé par son gendre, David Wilson. Des élections sont organisées en urgence. C'est Monsieur Sadi Carnot qui obtient le plus de suffrages & devient à l'instant le cinquième Président de la République.

- Règlements de compte dans les Balkans -

Le Journal de Pétersbourg nous renseigne sur la sombre affaire du banquier russe Lazar Polyakov, enlevé la saison dernière en Grèce. Une course poursuite s'est déroulée depuis Athènes, où les services tsaristes ont refusé de payer la moindre rançon & ont tenté de piéger les ravisseurs... ou les agents d'une grande puissance qui bridaient à l'évidence le vénal groupuscule. Supervisée par les plus fins limiers de l'Empire russe, une kyrielle d'acolytes s'est attelée à organiser la libération du magnat tout en espérant confondre les auteurs du rapt. La besogne s'est compliquée lorsque deux agents russes imprudents se sont faits intercepter par des affidés turcs en activité dans le secteur. En fin de compte, Polyakov n'a pas été libéré & le Tsar se retrouve avec de nouveaux soupçons & un Sultan à contacter au plus tôt... d'autant que la marine russe se présente devant Constantinople pour réaliser un blocus total de tout navire souhaitant entrer en Mer Noire.

- Emulation entre capitales - 

Les grands parcs des villes les plus riches symbolisent parfaitement les investissements & l'attention des gouvernements envers les populations. Cinq nations se démarquent nettement du reste du monde par un intérêt pour le bien-être & le journal L'Illustration s'est mis à la recherche des villes les mieux gérées, aux jardins aménagés, métaphores à peine cachées des cinq puissances les plus investies. Dans l'ordre, c'est incontestablement le parc des Buttes-Chaumont de Paris qui est le plus admiré avec le Prater de Vienne, le Fairmount Park de Philadelphie, le Tiergarten de Berlin & le jardin Gülhane de Constantinople. Une fois de plus, cet indice démontre clairement quels sont les chanceliers les plus actifs, les nations les plus inventives.

- Le piège du Panama - 

On mande de Panama que, d'après des informations publiées par le Star and Herald de cette ville, des forces révolutionnaires se seraient emparés la nuit dernière du port & des deux écluses de Colon, à l'entrée Atlantique du chantier du canal. Cette ville leur aurait été livrée par la trahison d'un officier & d'un sergent. Le bruit court qu'un engagement sanglant aurait eu lieu entre les troupes gouvernementales & les rebelles. Tout ceci nous mène à penser que la République Française ne semble pas pressée d'ouvrir le canal & se repose en attendant une réaction du gouvernement colombien. Pourtant sur le terrain, Ferdinand de Lesseps & les industriels français s'organisent pour permettre au chantier de redémarrer. Les ouvriers ont reçu une prime substantielle & un recrutement remarquablement organisé amène un peu de sérénité. Mais tant que l'armée ne montre point le bout de son nez, la date de l'inauguration du canal prendra encore du retard.

- Explosion démographique - 

Une myriade de villes ont vu leur population doublé en quelques années & méritent que l'on s'attarde sur leur fulgurant développement. C'est d'abord la méconnue & pourtant très belle ville de Graz qui devient une cité majeure. Le chef-lieu de la province du Steiermark reçoit un nouvel hôtel de ville, dont la façade majestueuse est l'oeuvre de l'architecte Alexander Wielemans. Le coût élevé des travaux a été financé en partie par une taxe sur le vin spécialement introduite. Mais à Vienne, quelques éditorialistes s'inquiètent vivement de la gestion financière du pays. L'on murmure que l'Autriche cisleithane serait proche de la banqueroute !

Les Allemands ne s'en laissent point compter & font de la ville de Hanovre une cité majeure en construisant de surcroît six gares d'un coup. L'essor est immédiat & attire les paysans désoeuvrés des alentours pour grossir la ville & faire tourner les usines. En Espagne, c'est le port d'Alicante qui profite de la paix & de la prospérité européenne pour devenir une des cités les plus importantes du royaume. Bologne ne pouvait indéfiniment rester une ville secondaire & profite aujourd'hui de l'attention de Sa Majesté Umberto pour s'épanouir en une métropole nationale.

Dans l'Empire Céleste, l'Impératrice douairière décide de développer les provinces les plus éloignées. Aux confins de leurs terres, les Chinois font de Xining une ville majeure. Cette cité peuplée majoritairement de musulmans de l'ethnie Hui, ainsi que de Tibétains, devient le verrou du Tsing-Hai, la province la plus occidentale du pays. Au Japon, le Premier ministre, le Prince Ito Hirobumi, visite l'agrandissement de la ville de Sendai, au plan hippodamien. Sommeillant au pied de volcans endormis, la ville obtient le statut de cité majeure par l'abolition du système des fiefs & conserve son surnom de Cité des Arbres, tant elle est bucolique, parsemée de parcs & de bois.

Au milieu des cactus, des agaves & des yuccas, la ville de Chihuahua a déjà fait parler d'elle. Aujourd'hui, elle devient une des villes les plus importantes du Mexique grâce à ses mines & son chemin de fer. Le Président Porfirio Diaz vient y déclamer un discours fort, afin d'encourager la population à tendre vers plus de patriotisme.

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Dans l'empire d'Autriche-Hongrie, les médecins & les chercheurs sont de mieux en mieux payés & équipés, afin de maîtriser tous les aspects néfastes des maladies infectieuses. Voilà pourquoi les relations avec la Russie restent ouvertes, malgré la crise du choléra. L'épidémie se propage dans les pays qui ont sous-estimé la contagiosité de la maladie, mais est contenue en Russie, où les autorités ont installé un système de quarantaine & pris le problème à la gorge en important du matériel médical, en recrutant des médecins éminents & même Monsieur Pasteur. Plusieurs grandes puissances ont assuré un soutien efficace, ce qui permet au Tsar de voir l'avenir avec la plus grande assurance.

Le royaume des Pays-Bas investit dans le progrès social & inaugure la Caisse publique de Secours mutuel, entretenue par les cotisations des travailleurs & des employés. L'idée mise en pratique vise à aider ceux qui doivent traverser les dures périodes de chômage, de maladie ou de sénilité sans tomber inéluctablement dans la misère. En parallèle, le Roi Wilhelm III fait ouvrir à l'université de La Haye, une faculté inédite dite des Sciences Sociales, faisant de la nation batave une avant-garde des lumières. De grands esprits accourent pour enseigner, tel Edward Tylor, Alfred Marshall, Ferdinand Tönnies, certes encore peu connus du grand public.

- L'apogée de la vapeur - 

De grands travaux reprennent dans l'Empire Ottoman, qui souhaite vivement relier toutes ses grandes villes & obtenir un réseau ferroviaire aussi performant que ceux des pays d'Europe les plus modernes. C'est pourquoi une nouvelle ligne part d'Alep pour Urfa, Mossoul, Bagdad & Bassorah. Les Turcs créent même un raccourci avec le triangle Sivas, Alep, Urfa. Pendant ce temps, l'unique voie ferrée de Chine est prolongée de X'ian à Lao-Tchéou & jusque Xining aux confins de l'empire. Quant aux Russes, ils poussent leurs travaux au-delà de Samarcande, vers la frontière afghane.

En Amérique, Washington devient l'épicentre du réseau ferroviaire avec deux nouvelles lignes vers Pittsburgh & Richmond, l'ancienne capitale des Confédérés.

De retour en Europe, les voyageurs peuvent maintenant traverser les Alpes en train, de Graz à Zurich. Mais c'est une fois de plus l'Allemagne qui investit de façon colossale en créant un nouveau centre ferroviaire à Hanovre, depuis laquelle six lignes rejoignent Berlin, Hambourg, Leipzig, Dortmund, Francfort & Brême. Berlin demeure l'aînée des cités ferroviaires avec sept gares, un record absolu dans le monde & le Reich possède céans le réseau le plus dense de la planète. En France, on se contente d'ouvrir la petite ligne Paris - Rouen & les Anglais relient Londres à Southampton.

Depuis le mystérieux mais très actif Etat Indépendant du Congo, des ouvriers se sont mis à la tâche pour relier Elisabethville à Lusaka & Maramba, du Katanga au Haut-Zambèze. Enfin, au Dahomey, les Allemands créent une ligne de Porto Novo vers Lagos, puis Abomey & la frontière du Mali en Haute Volta. Malgré la grande discrétion demandée, comment cacher les gigantesques travaux de placement de voies ferrées depuis Durban au Natal jusque Moatize au Mozambique, via Ulundi, Johannesburg, Pretoria, Pietersburg, Bulawayo & Salisbury ?

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De point de vue maritime, une joyeuse émulation perdure entre les meilleures compagnies. Avec une allégresse contenue, les Japonais améliorent leur marine civile & hissent haut les couleurs de leur nation. Leurs bateaux partent dans toutes les directions & & atteignent tous les continents. 

La Hapag de Hambourg baptise de nouveaux paquebots & se vante d'avoir les destinations les plus nombreuses dans l'hémisphère Sud.

- Tempête sur les influences économiques - 

Il faut jouer des coudes, dès lors que tous les marchés neutres sont pris. Les conflits d'attribution & les luttes d'influence entre les diverses entreprises sont quotidiennes & l'on assiste à un tourbillon de contrats signés, qui chamboule les influences économiques, comme il y  a autant de feuilles mortes par terre en cette saison. De nombreuses nations neutres ont été approchées pour se laisser persuader & quelques unes se sont laissées séduire par les offres alléchantes des industriels les plus altruistes, ce qui ne s'était plus produit depuis longtemps. Se plaisant dans la douce solitude des hommes de l'ombre, des courtiers, des financiers, des entremetteurs se sont mobilisés & ont voyagé avec succès en Roumanie, en Grèce, en Colombie, dans le Kars & au Transvaal pour obtenir une nouvelle clientèle.

- Inondation du Fleuve Jauve - 

Une tragédie terrible s'est produit en Chine, où la bonté de l'Impératrice va être à nouveau mise à l'épreuve. Le Fleuve Jaune, appelé là-bas le Huang Hé, déborde de manière inquiétante depuis le début de septembre & engloutit maintenant un territoire gigantesque. On cite la disparition d'un million de personnes, ce qui fait de cette inondation une des catastrophes naturelles des plus meurtrières de l'Histoire. Le gouvernement doit réagir pour venir en aide aux agriculteurs sinistrés, sous peine de violentes réactions de la part de la population, mais aussi en prévision d'une probable pandémie. La ville de Jinnan, particulièrement touchée, doit être reconstruite pour laisser passer les trains. Tous ces malheurs ne sont pas le résultat du hasard & montre au contraire, combien le gouvernement chinois ne s'est guère soucié de son peuple & de ses conditions de vie. Les digues doivent être redressées, les âmes rassurées.